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de Rupi Kaur

critiqué par Cecezi, le 31 janvier 2023
(Bourg-en-Bresse - 43 ans)


La note:  étoiles
Moins emballé
Suite à la découverte du premier recueil publié par Rupi Kaur, je me suis procuré avec attente son 3ème. J'ai été bien moins convaincu, comme si la poétesse finalement n'avait que cherché à donner suite au premier, à "faire comme" tant au niveau de la structure que de l'écriture, voire des thèmes abordés. Certaines pages sont plus attendues, moins parlantes, même si çà et là on trouve quelques perles à réfléchir, méditer, ou laisser infuser...
Reste à lire le 2ème !
«Et je n’avais jamais entendu auparavant mon nom sortir en dansant des lèvres d’un homme…». 6 étoiles

«pourquoi te fuir toi-même
alors que tu es si belle
rapproche-toi de ton éclat»

Je ne vous présente plus Melle. Rupi KAUR (*1992) la poétesse 2.0, canadienne d’origine indienne, écrivaine féministe et artiste dont j’ai déjà eu l’occasion de vous parler sur CL (1).

Comme ses livres précédents, celui-ci est largement autobiographique et divisé en plusieurs chapitres. La poétesse a choisi cette fois de parler du corps humain. Chacun des quatre chapitres correspond donc à une partie du corps. Chaque chapitre traite d’un sujet et de thèmes différents. On retrouvera donc: «esprit», «cœur», «repos» et «éveil»…

«si le diable ne t’avait pas
mise au pied du mur
et forcée à lui briser le cou
comment aurais-tu su
que tu étais si forte»

Melle. KAUR nous parle ici de son long, très long cheminement pour sortir de sa dépression et de son mal être, pour doucement, tout doucement, guérir et retrouver le plaisir et l’envie de vivre…

«j’ai quitté la scène
une fois le spectacle terminé
et prié pour que la détresse
cesse de me dévorer vivante
j’étais malade
et je faisais semblant de ne pas l’être
au moins la scène me gardait-elle en mouvement
rentrer chez moi dans
un appartement vide était pire
sans travail je n’avais rien à attendre
je sombrais dans la dépression des mois durant
à moitié évanouie de chagrin
les yeux ouverts
l’esprit perdu dans une autre dimension
écris le livre, m’ont-ils dit,
remets-
toi en route
qu’est-ce que tu attends»

- vide

Que dire de plus? Il faut tout d’abord s’habituer au style bizarre, très particulier et peu orthodoxe de l’autrice. C’est de la poésie en prose, il n’y a aucune virgule, ce sont des phrases très courtes, comme «empilées» les unes après les autres. Il n’y a aucun point et jamais aucune majuscule, même en début de la première phrase, même dans le titre du recueil. Et le titre de la poésie, s’il y en a un, est placé à la fin (en-dessous) de la poésie. Et… Il y a aussi les dessins de style très simple et très enfantin de la poétesse pour illustrer ses propos.

«le futur
monde de nos rêves
ne peut se bâtir sur les
corruptions du passé»

- démolis-le

J’avoue qu’une fois que c’est fait, on découvre vraiment une très belle poésie. Melle. KAUR utilise un langage très simple à lire, mais avec des mots très bien choisis, des phrases fines et ciselées. Encore une fois, je finis très agréablement surpris par la très bonne poésie de l’auteure canadienne, rafraîchissante, remplie d’émotion, novatrice, avec beaucoup de résilience et de bienveillance, apaisante... Chaque poésie trouve – à sa façon -, un écho dans la tête de celui qui la lit. Si ce recueil est très certainement moins bon que sa précédente production, notamment à cause de certains poèmes qui sont plus des réflexions, des poncifs qu’autre chose, il n’en reste certainement que c’est une très belle lecture…

«je rêve souvent à la femme que je serai
quand je quitterai frénésie de
ces dix dernières années insécures
pour prendre de l’assurance au passage
j’ai hâte de rendre
mes dix-huit ans jaloux
du bordel que je provoquerai
en entrant avec fracas dans la trentaine et la quarantaine
mon âme devenant
plus puissante avec l’âge
à cinquante ans je serai avec
mes rides et mes cheveux argentés
à rire des aventures
que nous avons partagées
à évoquer celles tellement plus nombreuses
qui nous attendent dans les décennies à venir
quel privilège
de devenir
la meilleure version de moi-même»

- vieillissement

Voilà, si vous voulez découvrir la «voix» de la génération 2.0 (et oui, les «jeun's», ne jurent que par elle!..), et la porte-parole de la génération féministe actuelle, vous savez ce qui vous reste à faire…

Comme toujours je m'efface maintenant devant les mots de la poétesse...

«donne-moi des rides du sourire et des rides tout court
je veux des preuves des histoires que nous avons partagées
graver les lignes dans mon visage comme
les racines d’un arbre qui s’enfoncent plus profondément
à chaque nouvelle année
je veux des taches brunes en souvenir
des plages où nous nous sommes allongés
je veux faire comme si je n’avais
jamais peur de laisser le monde
me prendre par la main
et me montrer de quoi il est fait
je veux quitter cet endroit en sachant
que j’ai fait avec mon corps
autre chose qu’essayer
de lui donner une apparence parfaite»

Écoutez Aurélie de la Librairie Durance, lire cette poésie de façon «inspirée», ici : https://www.youtube.com/watch?v=8gBzgYcqYbA

(1). Cf. ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/60428

Septularisen - Luxembourg - 56 ans - 25 avril 2023