La Promesse de Lucile
de Albert Ducloz

critiqué par Débézed, le 7 janvier 2023
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Une histoire d'amour prise dans les arcanes de l'Histoire
Fille de diplomate, Lucille s’engage dans le conflit de la Grande Guerre comme infirmière, elle soigne les soldats blessés provenant du front. Un jour, les brancardiers amènent par erreur un soldat allemand très gravement blessé et le place avec les morts et les mourants. Lucile constate qu’il vit toujours et convainc le médecin de service de le soigner. Peu à peu le blessé reprend vie et forme, Lucile le cache dans la tente des morts jusqu’au jour où l’hôpital de campagne doit-être évacué. Le jeune soldat et la belle infirmière devenus amoureux doivent se séparer, lui s’enfuit vers on pays, elle est démobilisée.

Animée du toujours très fort désir de porter secours aux autres Lucile s’implique dans le soutien au jeunes femmes guéries de la tuberculose qui se retrouvent seules sans emploi, livrée à elle-même et souvent aux proxénètes. Grâce au soutien d’un capitaine qu’elle a soigné pendant la guerre, elle obtient le droit d’occuper l’ancien hôtel de ses parents à proximité de Valence. Elle y installe quatorze filles qui travailleront toutes, sauf une, dans les ateliers de chaussures sous-traitants pour les usines de Romans. Elle doit aussi secourir six autres filles, quatre juives en fuite et deux filles soupçonnées de sabotage dans leur usine de bottes pour la Wehrmacht. Ces dernières sont placées dans des fermes à la campagne sur le chemin du Vercors emprunté par ceux qui fuient le STO et gagnent le maquis.

Lors de l’occupation de la zone libre, un escadron de transmission s’installe dans l’ancien hôtel désormais dirigé par Lucile qui à sa grande surprise et son tout aussi grand plaisir reconnait, sous l’uniforme de l’Hauptmann commandant cet escadron, son cher Ludwig, l’amoureux allemand qu’elle a soigné, quitté par obligation et recherché vainement pendant vingt ans. La flamme est toujours aussi brûlante entre les deux amoureux qui deviennent vite amants en toute discrétion pour ne pas éveiller les soupçons de la hiérarchie allemande et des membres de la résistance...

Mais, la guerre à ses règles et ses cruelles obligation Lucile et Ludwig essaient de rester distants tout en s’aimant à la folie. Pourtant, leur destin bascule le jour où un ami de Lucile est fait prisonnier. Ludwig ne veut pas trahir son pays mais il doit choisir entre son amour et son combat. Après le débarquement en Provence, la guerre s’installe avec toute sa cruauté dans la région de Valence et les deux amoureux sont de plus en plus impliqués dans les péripéties violentes, souvent mortelles, de cette guerre encore plus sale que les précédentes. Entre la résistance et l’occupant, l’espace est très mince et la petite troupe de Lucile doit s’y faufiler pour survivre. Mais, la guerre l’entraîne dans des combats qu’elle ne souhaitait pas vraiment même si l’implication dans la résistance est pour certaines et certains un véritable engagement humain et patriotique.

Ce livre, c’est une belle histoire d’amour impossible où les protagonistes doivent se faufiler entre les arcanes de l’Histoire pour ne pas être séparés et vivre l’amour qu’ils avaient créé dès 1918. Mais, c’est aussi une évocation de ce que furent les Français pendant et après la guerre : de vrais résistants trop peu nombreux et un peu suicidaires mais, plus souvent hélas, des êtres veules et profiteurs avant de devenir les rois de l’épuration pour faire oublier leurs actions bien peu glorieuses en se rangeant, une nouvelle fois, du côté des vainqueurs.

Cette fiction est inspirée de faits réels qui montrent bien que ceux qui ont été dits « justes » n’étaient pas forcément dans les élites mais bien souvent dans un petit peuple où le courage, la volonté, la dignité et même le sacrifice sont des valeurs cardinales. Ils étaient la vraie France et des défenseurs de l’humanité.