Sauvée
de Monique Thomassettie

critiqué par Débézed, le 5 janvier 2023
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Poèmes rédempteurs
Grande poétesse, auteure à la plume très affutée, Monique Thomassettie sait tout faire dans le monde du livre ainsi a-t-elle éditée elle-même ce recueil dont elle a réalisé la mise en page, les illustrations, la couverture et tout ce qui est nécessaire à sa publication avant de le confier à un imprimeur.

Ce texte est un recueil de poésie composé de poèmes répartis en quatre chapitres correspondant chacun à une « époque » de la vie de l’auteure, époque étant entendu comme étape dans la réflexion qu’elle mène sur elle-même, sur la vie qu’elle a plus subie que voulue, sur ce qu’elle voudrait devenir. Un texte mémoriel, thérapeutique, déjà testamentaire … Ce texte commence par un appel d’un lieu où elle semble avoir connu une certaine paix. « De Ta voix de montagne / Tu me rappelles, / en mes plaines / mes horizons qui de plus en plus / encerclent / uniformément // … ».

Elle se souvient, elle voudrait oublier, la dépression, « Moult causes à ma dépression. / Anciennes, récentes, présentes. / Causes d’ordres différents, / mais dont le point commun / est la négation de ma personne … ». Les failles de l’enfance qui l’ont conduite à cette dépression, la discordance qui sonnait entre le père et la mère. « Elle en allemand, / lui en français.». L’entente ne pouvait pas être très cordiale, les enfants ont subi jusqu’à l’humiliation, jusqu’à être traités de « Boches » parce que les garçons avaient été enrôlés de force dans la Wehrmacht comme les « Malgré nous alsaciens et lorrains ».

Mais comment faire comprendre aux autres l’origine, le sens de cette dépression ? L’écriture peut paraître insuffisante. « Je crains les critiques ou recenseurs / qui ignorent mon cheminement / … ». et pourtant la lecture des auteurs favoris est d’un grand secours pour oublier cette dépression si prégnante. « Pour la troisième fois de ma vie, / me voici savourant Marcel Proust ! / Comment mieux me guérir / qu’en retrouvant le Temps /… ».

La religion est autre un refuge souvent évoqué à travers Dieu lui-même mais aussi à travers les saints, comme Saint François d’Assise et ses moineaux, ou des événements bibliques, « Mon cœur enflammait le buisson. / Et le buisson s’est tu / … ». La religion, l’art, la littérature, la poésie sont les piliers de ce texte que l’auteure voudrait rédempteur, elle a la volonté de sortir de cette dépression envahissante, « À la force de mon poignet qui écrit, / remonter ma pente dépressive. / … ».

Sortir de la spirale de la dépression et donner aux autres pour qu’ils puissent eux aussi sortir de leur ornière ou tout simplement ne pas s’y enfoncer. « Oui, j’abreuve, nourris. / En mes œuvres, beaucoup se ressourcent ». Elle boucle la boucle de son désespoir en répondant à l’appel de la montagne où elle se réfugie, là où « L’Espace allège mon fardeau. / Et j’avais déjà espacé / les vers centrés de mes derniers poèmes. / Dès que je me suis sentie / s a u v é e ».

Ce livre, l’auteure le définit elle-même : « Livre de mes résurrections / Ainsi peut se titrer / mon œuvre entier. / Tant un fil de résilience / unit mes écrits et tableaux … ». Mémoire, souvenirs, résilience, rédemptions et partage, tel pourrait-être le testament que Monique livre dans ce texte éblouissant, d’une force, d’une puissance évocatrice transcendantes.