Présent presque parfait
de Pascale Favre

critiqué par JPGP, le 25 décembre 2022
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Pascale Favre et l'écume des jours
Le livre de Pascale Favre – avec un astucieux glissement de voix du féminin au masculin - ouvre sur l’“ usure ” de la mémoire. Le tout en une immense reconstruction généalogique de la vie de l’homme qui partage aujourd’hui la vie de l’auteure. Ce sont moins des histoires qui sont racontées que leurs traces coupées en fragments par des retours « avant » et ironiques sur le vécu du couple. L’idée est donc non d’identifier celui qui devient le propos du livre mais de s’identifier à lui sans qu’aucune réponse ne soit donnée à travers l’hypocrisie merveilleuse de la réalité. Pascale Favre feint de s’y perdre par les deux temps perpétuellement alternés du livre propices à une relation d’incertitude, la seule qui peut convenir (Platon nous l’a appris) à l’être humain prisonnier de sa caverne et qui par son essence même est donc un être de fiction.

Pascale Favre n’hésite pas à frictionner les témoignages du passé allemand de son amoureux au bain de l’imaginaire (souvent plus proche de la réalité qu’on peut le penser). L’écriture évitant toute fidélité absolue eu réalisme permet de désenbusquer des pans de l’identité cachée car comme le souligne Winnicott : “ Où se trouve l’identité sinon dans les images qu’on ignore ». L’auteure les osent pour rechercher les constellations fondamentales de celui qu’elle aime et qu’elle se propose de voir, de comprendre autrement. C’est là une belle leçon de sagesse et non d’hystérie de la mémoire. Par le couplage passé/présent la Genevoise laisse apparaître non la vérité mais des états intermédiaires qui arrachent au cerclage de la divinité qu’on lui accorde. Entre son “ jour ” et sa “ nuit ” elle précise par fragments ses contours mais surtout ses chevauchements

Jean-Paul Gavard-Perret