Album
de Anthony Guerrée

critiqué par JPGP, le 23 décembre 2022
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Fabien Loris avant termes
Ces inédits (textes, collages, dessins, photographie) de Fabien Loris – créateur méconnu – créent diverses machineries désirantes là où – entre poétique et politique – se jouent d'étranges parties de dupe à plusieurs niveaux et où l'auteur lui-même paya de sa personne.
Ce corpus était resté jusque-là inédit puisqu'il n'existait qu'à un exemplaire unique – celui du créateur. Ce missel hérétique fut conçu au milieu des années 1930 par celui qui fut d'abord boxeur et graphiste. Ami proche de Jacques et Pierre Prévert, il rejoint le Groupe Octobre et le Groupe Mars, il voyage en Afrique où il crée des collages anticolonialistes, puis devient comédien et participe à une vingtaine de films entre 1932 et 1955, notamment sous la direction de Jean Renoir et de Marcel Carné.

Cet ensemble – accompagné d'un superbe essai sur l'auteur par Patrice Allain – articule le fantasme mais en le désaxant, le désarmant. Et en créant ce qui est un des premiers récits transgenres, Le pays du cul où jaillit cette cruauté qu'Artaud demandait à l'art.
Le corps, en ses fins ultimes, tente donc de se refaire une santé de dedans là où ça bouge encore un peu, où ça le soulève tant que faire se peut. Alors le langage plastique ou poétique vagit et rebâtit un corps éventuellement inidentifiable. Et contre le corps mort des langues un tel créateur avec au besoin délectation sadique expulse du corps sa misère par une poussée étrangère au granit officié du langage des clercs et des maîtres.

Jean-Paul Gavard-Perret