Vient de paraître
de Édouard Bourdet

critiqué par Sahkti, le 19 octobre 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Les bonnes règles d'un prix littéraire
"Chamillard n'a jamais su lancer un bouquin de sa vie! Il est encore à croire que, pour vendre un livre, il suffit que l'auteur ait du talent!"

"Vient de paraître" date de 1927. Ce texte n’a pas pris une ride. Il décrit avec lucidité et cruauté les mécanismes des prix littéraires et de la création littéraire. De A à Z. Depuis le sujet bateau qui fera vendre des exemplaires) jusqu’à la promo habile et commerciale de l’écrivain (ou qui prétend l’être) par l’éditeur. Des écrivains qui sombrent parfois rapidement dans l’obscurité des ténèbres alors que l’on croit les prix éternels. Le monde de l’édition serait-il figé à ce point ? Depuis toujours on parle de tricheries, de collusion, de copinage. Les jurés changent, les pratiques demeurent.
En choisissant la voie théâtrale pour aborder ce thème, Edouard Bourdet lui apporte une saveur supplémentaire.
Le Prix Zola va être décerné, l’éditeur Julien Moscat ne se sent plus, Maréchal son poulain devrait le recevoir. Pour parer aux commandes qui ne manqueront pas (c’est fou comme parfois les "aveugles" remarquent les bouquins dès que ceux-ci reçoivent un prix!), il en a tiré 25000 exemplaires (énorme pour ce livre) et fait imprimer les fameux bandeaux rouges ornés de la mention Prix Zola.
C’est que Moscat est sûr de lui, il a un ami dans la place qui lui a juré fidélité et promis d’influencer les membres décideurs. Les palabres entre Moscat et Bourgine, le juré corrompu, son un véritable régal ! Trafic d’influence, promesse de postes avancés dans certaines maisons, piston pour le petit dernier, etc, tout y passe. Effectivement, rien ne semble avoir changé depuis !
Seulement voilà, appâté par l’argent et une renommée grandissante, Maréchal, l’écrivaillon à succès, trahit Moscat et vend ses talents à Chamillard (toute ressemblance, etc etc). L’éditeur furieux influence à nouveau le jury mais dans l’autre sens. De protégé, Moscat passe au statut de félon. Pas de bol pour Maréchal, le prix lui passe sous le nez. Qu’à cela ne tienne, Moscat se précipite vers l’heureux et inconnu lauréat, lui propose un pont d’or et hop, les affaires reprennent.

C’est ironique à souhait, parfois un peu lourd dans les dialogues entre gens lettrés, mais cela tient à la caricature que veut dessiner Bourdet. Son regard acéré et féroce, non dénué d’humour, croque à merveilles le monde de l’édition et des prix littéraires. C’est plus efficace que Naulleau et Jourde, car cela sent moins le règlement de compte personnel. Et tout aussi satyrique.