Courants continus
de Rudy Decelière

critiqué par JPGP, le 13 décembre 2022
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Rudy Decalieres : phosphorescences sonores
La puissance épurée du « monstre » architectural du « Rolex Learning Center » - comme égaré (mais dégagé de toute facticité aguicheuse ou de pure « façade ») sur le Campus de l’université de Lausanne - a trouvé en 2016 son audace renforcée par le projet d’installation sonore de Rudy Decelière. Il a présenté sous une des voûtes du bâtiment une production à base de sons concrets. Connectés entre eux, 851 modules «Synthnodes» (petits synthétiseurs sonores) ont diffusé les sons d’une eau courante. D’où l’impression qu’une rivière inversée coulait « en hauteur », sous le dôme. Initiés par une matière aquatique mais spatialisée « hors champ » les sons trouvent une autre perception. Et l’oeuvre renforce l’idée que l’architecture est réactive et « métaboliste ».

L’imaginaire permit de franchir des seuils et reste au service de rapports complexes. A mi-chemin entre le poème et la science, dans une optique chère à Eric La Casa comme aux considérations d’un Beckett, Decelière a ajouté un univers visuel à l’entreprise sonore. La masse de béton était constellée de la mosaïque des formes répétitives et géométriques des modules. L’espace devient un temps et un paysage imaginaire. Et les textes de Pascal Amphoux, de François Gallaire et de Véronique Mauron précisent les fondements et aboutissements de cette hantise des lieux habitée d’une poésie mystérieuse au moment où l’anonymat de la voûte fut soumis d’une agitation cristalline. Elle prouve l'omniprésence d'un virtuel capable de construire un monde parallèle à celui du quotidien par des phosphorescences sonores qui redessinent l’architecture.

Jean-Paul Gavard-Perret