Portier de nuit: Liliana Cavani
de Véronique Bergen

critiqué par JPGP, le 11 décembre 2022
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Véronique Bergen aux portes de la nuit
Il y a 47 ans, la cinéaste Liliana Cavani créa le scandale avec "Portier de nuit". Dans ce film Maximilian (Dirk Bogarde) est portier de nuit dans un hôtel qui accueille des anciens nazis. Lucia (Charlotte Rampling) accompagne son mari, chef d'orchestre, dans cet hôtel. Maximilian reconnaît en elle une ancienne déportée qui était sa maîtresse. Elle se trouve attirée par son ancien bourreau et redevient sa maîtresse. Mais ils sont traqués par d'anciens nazis qui tentent de faire oublier leur passé

Non seulement la cinéaste prenait ainsi de biais toute une vision, de l'histoire mais en faisait jaillir un refoulé qui -quoique on en eut dit à l'époque - n'avait rien de révisionniste ou de simplement politique. Pour l'illustrer la philosophe Véronique Bergen toujours brillante dans son écriture et sa pensée pousse plus loin les analyses sur ce film et son incandescence aussi érotique que tragique. Une clarté noire point dans la parfaite ténèbre. Liliana Cavani évoque ce qui produisit dans la société d'alors une forme d’effroi là où certains - à l'inverse mais tout autant à tord - voulurent voir une mystique du péché. De fait jaillit un amour qui dans son effet retour n'espère plus rien. Mais ce rien est tout. Et c'est peut-être en ce sens que le passé rejoint le présent des deux protagonistes.

Pour eux l’érotisme libère de la violence de la servitude, de l’assujettissement comme de la maîtrise et l'abdication. Il n’ignore pas où l’être peut aller. Ce dernier peut soudain accepter les accords équivoques, inavouables. Il se doit à l’impossible par son ouverture à la sève du vivant. Enfin il embrasse et accepte la défaillance face à la raison. D'une certaine manière les amants montent les marches d’un échafaud. Ils osent aussi détruire des vérités que les autres évoquent - et pas seulement à tord - de toute leur hauteur. Mais la cinéaste précipite le regard sur le dessous de l'Histoire et implique un regard au-delà. L’humain dans la plénitude de sa chair n’est pas relégué à l’état d’animal quoiqu’en dise l’idéologie populaire qui s’en faisait l’écho. Et Bergen rappelle que les moralistes ne permettent donc pas de répondre à ce qu’il en est de l’éros. Il pèse de tout le poids de l'interdit ou d'un impensable en miroir d'un autre impensable.

Jean-Paul Gavard-Perret.