Disperser la nuit
de Aymeric Vergnon-d'Alançon

critiqué par JPGP, le 11 décembre 2022
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Aymeric Vergnon-d’Alançon voleur d'âmes
C'est parce que le destin d’un humain peut se jouer autour d’une simple photographie qu'Aymeric Vergnon-d’Alançon documente une fiction de cinq exilés en quête de l’image salvatrice. Il sait que la vérité ne peut avancer nue : d'où l'importance du camouflage qui fait dire à un de ses personnages "Personne ne se doutera que derrière la silhouette anodine d’un promeneur, je tenterai bientôt de voler des âmes pour sauver la mienne". Dès lors et dès le début du livre le narrateur commence, avec son seul appareil photo, sa quête énigmatique de lui-même et du monde.

Emerge la présence nocturne du "Surgün Photo Club", association d'immigrés qui explore en diverses expérimentations la puissance de l’image photographique. S'y retrouve ici l'emprise de son gourou - Aboukaïev - dont la doxa secrète fut dévoilée dans "Gnose&Gnose&Gnose" chez le même éditeur en 2016. Par ce développement de concert de cinq destins en errance entre exil et survie se fomentent un roman de formation et une quête mystique là où la photographie tient toujours un rôle singulier.

Als 3.jpgDétours et bifurcations engagent la possibilité d'une histoire de telles vies imbriquées dans la révélation des opérations du Surgün Photo Club et de son prophète imprenable. L'image comme la fiction réinventent un lieu qui n’est ni le propre, ni le figuré. Il devient celui d'une fixation de ce qui n’est jamais fixe. Reste le champ actif d’une imprévisible expérience. Nous ne sommes plus autour ou dessus l'image mais dedans entre divers types de signes, nuages, nœuds, serpentins de la vérité comme du mensonge. Le tout en superpositions de zones opaques ou transparentes - du moins tant que faire se peut.

Jean-Paul Gavard-Perret