Kafka : Oeuvres complètes, tome 3
de Franz Kafka

critiqué par JPGP, le 10 décembre 2022
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Franz Kafka et le métier de vivre
Les textes réunis ici n'étaient pas destinés à la publication, et on se souvient de ce que Kafka avait demandé à son ami Max Brod : « tout ce qui se trouve dans ce que je laisse derrière moi […] en fait de journaux, manuscrits, lettres, écrites par d’autres ou par moi, dessins, etc., est à brûler sans restriction et sans être lu ». Auteur d'un crime de lèse-majesté sans doute Brod divulgua néanmoins peu à peu de telles pépites. Cette trahison reste donc à ce titre une preuve d'une fidélité particulière et des plus bienveillante. Sans Brod tout aurait été perdu.

Les écrits intimes donnent à l'ensemble du corpus de Kafka une dimension plus grande. Ce sont là des oeuvres littéraires majeures. Les avoir à notre disposition permet d'accéder à un patrimoine d'exception. Chaque tome contient les Journaux de la période considérée, suivis des lettres contemporaines, et des écrits et fragments divers datant des mêmes années.

S'y retrouvent par exemple la centaine de fiches numérotées réunies dans "le recueil des Aphorismes de Zürau", parfois nommée "Considérations sur le péché, la souffrance, l’espérance et la vraie voie". La Lettre au père est là. Elle fut un temps promise à l’envoi postal afin de donner cours à une compréhension plus profonde de sa difficulté à vivre et à aimer.

Mais elle restera lettre morte. Ici elle reprend vie. au sein du corpus intégral des lettres de Kafka (dont quelques-unes étaient encore inédites en français) classées selon la chronologie. Tout traduit dans ces deux tomes ce qui est parfois omis : la puissance du désir de vivre pour et par l’écriture, contre les vœux du père. Et se retrouvent dans le journal bien des galeries ouvertes sur le métier de vivre. Kafka y note pensées, rêves, ébauches de récits, brouillons de lettres, dessins et des exercices d’écriture. D'où l'importance de cette édition.

Jean-Paul Gavard-Perret