La société du peloton
de Guillaume Martin

critiqué par Débézed, le 1 décembre 2022
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Comprendre le macrocosme en étudiant le microcosme
Guillaume Martin est un champion cycliste, leader de la formation Cofidis, dont la renommée n’a, hélas pour lui, pas encore atteint le niveau de son talent. Il n’est pas seulement un sportif professionnel de haut niveau, il est aussi un intellectuel titulaire d’un master de philosophie. Il a mené, parallèlement à sa formation sportive et au début de sa carrière professionnelle, des études universitaires de philosophie qui l’ont conduit à s’interroger sur le fonctionnement de la société et sur le comportement des individus. Dans cet essai philosophique dans lequel il réfléchit aux problème sociétaux actuels en prenant pour exemple le comportement des cycliste dans un peloton pendant une course.

Il découpe ainsi son texte comme le parcours d’une course cycliste : l’avant-course : le préalable à toute action, l’échauffement : le lancement d’une nouvelle action, le départ : le placement pour prendre le bon wagon dans toute démarche, le milieu de l’étape : la période longue et tranquille pendant laquelle tout le monde suit le troupeau, le final : le moment souvent très court ou tout va se jouer et pour terminer, comme dans tout bonne opération, le débriefing pour constater ce qui a bien marché et ce qui n’a pas fonctionné. A travers l’observation de ces différentes phases d’une course, ou de n’importe quelle autre action, Guillaume explique le comportement des humains, individuellement ou collectivement.

Mais, avant de rentrer dans la description des comportements, il précise comment il perçoit la société d’aujourd’hui. Il décrit une société qui traverse trois crises majeures : une crise du modèle démocratique, une crise sanitaire et une crise climatique, trois crises qui engendrent différents effets comme les migrations humaines qui affectent la quasi-totalité de la planète. La réflexion de Guillaume s’articule autour du comportement et de la considération de l’humain dans un monde, en perpétuelle évolution, de plus en plus dominé par la science et la technologie. L’humain de plus en plus seul face à la domination des machines doit se comporter collectivement pour avoir une chance de réussir, seul il est condamné d’avance comme un coureur isolé à l’avant, seul devant un peloton lancé à ses trousses.

Cette nécessité de se comporter collectivement est en totale contradiction avec une autre nécessité qui commande de redonner sa place à l’individu pour ne pas concéder tout le pouvoir à des machines gérées par des algorithmes. L’enjeu de notre future société consistera donc à redonner toute sa place à l’humain à condition qu’il accepte de se comporter collectivement dans certaines circonstances qui restent, bien évidemment, à définir. C’est ce point d’équilibre qu’il conviendra de définir pour que l’humanité ne sombre pas et reste un groupe homogène où le pouvoir n’est pas confisqué par des machines ou ceux qui ont concentré l’essentiel des richesses dans leurs mains.

Guillaume conduit aussi une réflexion sur le comportement de l’individu qui par nature est animé par le désir de gagner, d’être le premier, le meilleur mais qui doit souvent s’allier avec des plus forts pour atteindre un objectif qui lui permettra d’exister dans le groupe, comme un gregario dans un peloton. Pour assurer ses besoins élémentaires, l’homme a souvent besoin de s’allier avec d’autres pour y parvenir. Comme les animaux et même certaines plantes qui vivent en société pour réussir chacun son objectif. L’enjeu est donc de « concilier le singulier et l’universel », l’individu et le groupe, l’un et le tout ! « Nul ne peut l’emporter sans coéquipiers, le coureur n’existe même plus sans un peloton pour justifier son existence ».

Les courses sont souvent longues et monotones, Guillaume participe à de nombreux jours de course, il dispose ainsi d’un temps important pour observer le comportement de ses camarades, seuls ou en groupe, et des champions qui planent souvent au-dessus du peloton. Ces observations on nourrit ses réflexions sur le fonctionnement de la société en général : étudier un microcosme social pour en tirer des projections concernant le macrocosme humain.