La Passeuse de Mots - Tome 1
de Alric Twice, Jennifer Twice

critiqué par Froidmont, le 13 novembre 2022
(Laon - 32 ans)


La note:  étoiles
Un air d'innocence
La toute jeune Arya vivait à Hélianthe, pays où un traité imposé par le roi limite la magie et où nul ne guerroie depuis vingt et deux ans ; mais la foule est mouvante, et la révolte gronde. On ne voit plus la paix : on voit le doigt pointé, la discrimination. Parmi le peuple heureux, occupé à fêter une nouvelle année de ratification, l’insurrection se glisse et, ombre sans visage, assassine le roi, détruit le document, libère la magie et, nouvelle Carthage, tapisse le pavé de larmes et de sang.
Et voilà notre Arya, couverte de blessures, perdue et apeurée, jetée à l’aventure découvrant son destin de Passeuse de mots. Cassandre, la Tutrice, lui apprend qu’il lui faut rassembler tous les mots, apprendre à les connaître, lutter contre le mal qui menace les êtres.
Arya est partagée entre sauver le monde, retrouver sa famille ou bien le prince Aïdan, son vieil ami d’enfance et un des trois organes à la succession depuis l’horrible fronde. Elle sera aidée par le voleur Killian, tueur, menteur, tricheur, mais aussi mélomane ; le général Saren qui recherche les princes, homme très paternel, dévoué et « province » ; et le Durghal Alric, vampire fatigué, qui retrouve en Arya sa vieille humanité.

Un roman sympathique et, ma foi, bien prenant. Tout l’univers s’y pose et va se développant.
Cela se lit très bien : le rythme est efficace, l’écriture sans être incroyable de grâce n’en est pas moins plaisante et porte son propos avec tout ce qu’il faut de tours et de bons mots. Il cible son public d’adolescents lecteurs, marchant dans les sillons faits par Harry Potter. Les deux auteurs d’ailleurs assument l’héritage et ne manquent jamais au détour d’une page quelques discrets clins d’œil à ce haut patronage qui sont pour cette source de vibrants hommages.
C’est aussi un roman marqué par l’innocence, et même la candeur propre à l’adolescence. Tout finit toujours bien et même le cruel cache au fond de son cœur les douceurs éternelles ; plus violent dans ses mots qu’il ne l’est dans ses gestes, il montre bien les crocs tout en se montrant preste à ne jamais mener à terme ses menaces. Killian est un champion qui, sans être bonasse, dégaine le couteau, grogne à chaque réplique mais surine fort peu quand le danger rapplique. Ne comptons pas non plus le nombre d’ennemis qu’Arya a épargnés et qui sont devenus par quelque obscur miracle de précieux amis avec lesquels on rit et l’on se met à nu. Cette métamorphose est, disons-le, rapide : dix pages suffiront à changer l’intrépide en doucereux agneau, pirate peu crédible au cœur grand, généreux, débordant et sensible. Cliché un peu poncé qui a deux gros défauts, celui de me sortir de la narration et de voir à l’avance où passe le pinceau, me laissant quelquefois blasé par l’action.
Venons-en maintenant à l’obscure menace qui en sept fois cent pages reste tout obscure. Même si l’on prévoit au bout de l’aventure de passer au-delà d’un ennemi fallace vers quelque autre plus grand, il faut bien qu’au début on nous le définisse et ne laisse au rebut l’enjeu que représente sa suppression. C’est un menu défaut qui pèse à sa façon.

Un dernier point qui n’est à charge des auteurs. La couverture est belle, en or et en couleurs, et si l’on veut garder ces reflets élégants, il est fort conseillé de lire avec des gants. La dorure s’efface au frottement des mains : mon dos n’a plus que « mots » de lisible à la fin ...

En somme, je l’avoue, j’en attendais bien plus. Je ne déteste pas, je suis juste déçu. Lirai-je alors la suite ? Oui, très probablement. L’ouvrage a des défauts, mais il reste plaisant.