Vers la violence
de Blandine Rinkel

critiqué par Alma, le 27 septembre 2022
( - - ans)


La note:  étoiles
De la relation fusionnelle au rejet
La narratrice de cette fiction, ( terme par lequel Blandine Kernel tient à qualifier son récit) c'est Lou - ainsi nommée selon la volonté de son père - qui revient, au moment de la mort de son géniteur, sur son enfance et sur les liens qu'elle a entretenus avec lui .
Lui, c'est Gérard, toujours désigné par son prénom et non, comme on pourrait s'y attendre par Papa ou mon père. Volonté de la narratrice de souligner la distance qu'elle entretient désormais avec lui, probablement.

Un être aimé, charmeur, manipulateur habile : «sorcier de l'univers de sa fille», «affabulateur professionnel» dont elle a découvert au fil des ans le véritable visage, celui d'un «sanguin» d'un «fauve domestique» d'un «ogre» qui lui a transmis insidieusement par une éducation «viriliste» et un entraînement à des activités de résistance, son gène de la violence et de la cruauté.

La relation fusionnelle qu'elle entretient avec lui dans son enfance fait progressivement place au rejet.
A la fin de l'adolescence, elle fuit la maison familiale, part à Londres et intègre un atelier de danse moderne qui devient le moyen de canaliser la violence et l'animalité qu'elle porte en elle . «Danser, c'est laisser sa vie intérieure s'ensauvager et dicter sa loi: laisser tous les non-dits s'exprimer en mouvement, tout remonter à la surface de la peau et vibrer. Danser, c'est s'ensauvager» et finit par fonder une compagnie de danseurs : La Meute, entre Hip Hop et Jazz .

Je suis sortie de la lecture de ce roman partagée entre intérêt, agacement et malaise.
Intérêt pour le parcours intérieur de la narratrice qui passe des scènes de violence vues et vécues dans sa chair à une progressive résilience.
Intérêt pour le thème de la danse moderne : un univers que Blandine Kernel connaît de l'intérieur puisqu'elle la pratique elle-même au sein d'une compagnie qu'elle a fondée.
Intérêt enfin pour le contenu des chapitres en italique reproduisant le contenu de notes pour autobiographie intitulées Pour ma défense, écrites par son père, comme s'il pressentait que sa fille lui demanderait un jour des comptes et dans lesquelles il évoque une difficile enfance marquée par la violence .

Agacement face tout ce qui brise la fluidité de la lecture et la linéarité du récit : la structure éclatée de la seconde moité du roman due à l'éparpillement des scènes indépendantes, la longueur des phrases en exergue aux différentes parties, enfin la présence d'un incipit et d'un excipit consacrés à l'animal prédateur qu'est le loup qui m'ont semblé alourdir inutilement le récit.

Malaise face à des scènes empreintes de perversité.

Si j'ai souvent râlé intérieurement, j'ai cependant globalement apprécié le roman

Lu dans le cadre du Prix Landerneau 2022