La France hors la France: L'identité avant la nation XIIe-XVe siècle
de Thierry Dutour

critiqué par Colen8, le 5 septembre 2022
( - 82 ans)


La note:  étoiles
Un immense rayonnement français des siècles durant, au Moyen Âge
Quand on parlait français de l’Irlande à l’Orient latin de Palestine ! C’était pendant le Moyen Âge central et tardif des XIIe-XVe siècles. Un royaume anglo-normand suzerain d’un grand quart ouest de l’hexagone actuel a pour la première fois désigné par l’adjectif « franceis » puis par le substantif les écrits et les locuteurs des communautés francophones installées durablement le long de l’axe Dublin-Jérusalem. C’est de là-même que provient la fameuse « Chanson de Roland » dont a été tirée l’expression « douce France ».
Pendant que des croisés avaient établi leurs royaumes et fait souche au fur et à mesure des siècles autour des Lieux Saints, des Normands descendus en Italie du sud ont pu conquérir puis coloniser la Sicile. Des comtes de Champagne et d’autres troupes de chevaliers aventureux ont laissé des vestiges archéologiques en Morée devenue principauté, avec le duché d’Athènes, dans le Péloponnèse. Certains d’entre eux réfugiés à Chypre en ont fait leur royaume, y ont construit des monuments gothiques encore visibles au temps présent.
Se substituant au latin hérité de l’empire romain et en dépassant les langues romanes, le français est assez vite devenu la langue haute de l’Europe médiévale. Parlée par les élites cultivées dans les cours impériales et princières, utilisée pour les actes administratifs et judiciaires, langue de traduction des textes latins, langue littéraire par excellence elle a été choisie par d’innombrables auteurs vivant hors de France de chefs-d’œuvre connus dans le monde entier.
Sans crainte de faire preuve d’un anachronisme largement dénoncé par les historiens contemporains, ceux du XIXe siècle se sont évertués à offrir un roman national étriqué, fondé sur le principe d’obéissance, maintenu artificiellement dans les frontières territoriales. A cette époque le terme de « nation » n’avait guère plus d’un siècle d’existence, car auparavant l’identité pouvait se limiter à faire allégeance à tel ou tel prince, empereur ou roi sans en parler la langue officielle.
Cette rétrospective de Thierry Dutour formidablement neuve a été initiée par les études anglo-saxonnes entreprises dès les années 60. Elle est abondamment illustrée par les idées, les citations de penseurs de ces périodes, par les pratiques qui s’entrecroisent au fil des valeurs et des coutumes d’alors y compris celles des successions et des mariages. Elle est surtout éminemment riche de la profusion d’œuvres littéraires françaises au sein d’un immense espace culturel dont le legs se reconnait à la liberté de penser.
Pour info, CV de l’auteur : https://centrerolandmousnier.cnrs.fr/annuaire/…