Le Sommeil d'Europe
de Yōko Tawada

critiqué par Septularisen, le 4 septembre 2022
(Luxembourg - 56 ans)


La note:  étoiles
L’EUROPE, PAR LA PLUS ALLEMANDE DES JAPONAISES!
Avant même la recension de ce court livre, rappelons tout d’abord «l’itinéraire» très atypique de cette écrivaine. Yoko TAWADA (*1960) est née à Tokyo et a étudié la littérature russe dans son Japon natal. Initié à la langue allemande dans son pays, elle décroche une bourse pour venir en Autriche au début des années 80. Elle ne repartira plus d’Europe, elle écrit d’ailleurs aujourd’hui directement en langue allemande. Après avoir longtemps vécu a Hambourg, elle vit depuis 2006 a Berlin.

Que dire de ce court essai? Cela se lit vite et facilement, et pour cause il y a moins de 70 pages. C’est une sorte d’article de journal, comme une longue lettre. Mme. TAWADA nous raconte par le détail son arrivée en Europe, il y a plus de 40 ans, quand alors jeune femme elle débarque à Vienne en Autriche.

Yoko TAWADA mène à l’époque une carrière de musicienne, et a toujours eu une fascination pour l’Europe, qu’elle rêve de visiter depuis sa plus petite enfance. Elle obtient, - assez facilement il faut le dire, puisqu’elle était la seule candidate -, une bourse pour venir en Europe étudier la musique classique, et plus précisément la composition. Elle découvre alors la vie de tous les jours dans une grande ville européenne, et si elle ne connaît personne, elle fait de grandes promenades à la découverte de la ville et surtout de son architecture.

Elle a ensuite l’occasion de décrocher une autre bourse, pour Berlin. Cette fois-ci les candidats sont nombreux, et c’est grâce à un projet de composition musicale très étonnant, et très innovant (non, n’insistez pas, je ne vous dirai pas lequel, pour le savoir il vous faudra lire le livre…) qu’elle décroche de haute lutte «La Timbale». La japonaise qu’elle est découvre alors une ville cosmopolite, fascinante et réussit même à lier connaissance avec quelques personnes et à se faire inviter chez elles…

Il faut saluer ici tout le talent de l’écrivaine japonaise, qui nous propose une vision des pays qu’elle visite qui évite les classiques poncifs du touriste. Au contraire, elle s’attache aux petits riens, aux petits détails de la vie de tous les jours, qui en font son intérêt, comme p. ex. la musique (bien sûr!..), la lumière, la littérature, la langue allemande, la température, la peinture, les voyages, la neige, la cuisine, le soleil, la poste, le brouillard, les trains, l'architecture, le lever du soleil, etc…

L’auteure développe aussi la question de l'identité, de l'appartenance à un territoire et de l’immigration. Elle qui vient d’un pays où il n’ y a quasiment pas d’étrangers, elle est surprise de découvrir un continent où les frontières sont si poreuses, et ou l’on peut passer si facilement d’un pays à l’autre…

Je finis la lecture de «Le Sommeil d'Europe» complètement sous le charme de l'écriture de Yoko TAWADA. Je suis véritablement impressionné par sa qualité et sa beauté. C’est quasiment de la poésie en prose. C’est tout en subtilité et en nuances, fluide et précieux. C’est certes un peu court, surtout si l’on veut se faire une idée du style et de l’œuvre de Mme. TAWADA, et ce n’est certainement pas une œuvre représentative de sa production habituelle. Mais, c'est certainement une très bonne lecture, - toujours intéressante -, pour faire la connaissance de cette autrice, si on découvre son œuvre.

Rappelons que le nom de Yoko TAWADA a déjà été proposé à de nombreuses reprises pour le prix Nobel de Littérature.