Helgoland
de Carlo Rovelli

critiqué par Colen8, le 21 juin 2022
( - 82 ans)


La note:  étoiles
L’évanescente beauté du réel
La théorie quantique a été longtemps incompréhensible après son énoncé promu par le Danois Niels Bohr à partir de 1913. Elle repose sur trois concepts : l’observation des faits, les prédictions probabilistes quant aux résultats des mesures, la granularité pour exprimer la discontinuité fondamentale des perceptions propres à tous les phénomènes quels qu’ils soient. Parmi les pionniers de la théorie, avant même que les expérimentations en donnent des confirmations éclatantes, jamais invalidées depuis lors, s’illustrent le jeune Werner Heisenberg(1) assistant de Max Born à Göttingen, le Britannique Paul Dirac, l’Italien Wolfgang Pauli, un peu plus tard Ernst Schrödinger et quelques autres à peu près tous nobélisés par la suite.
La philosophie, comme méthode de penser le monde, s’est immiscée dans la réflexion des savants par l’entremise d’Ernst Mach, inspirateur de révolutions scientifiques majeures : la relativité générale d’Albert Einstein et la physique quantique, mais pas seulement puisque sa pensée intervient dans la controverse entre Lénine et Bogdanov (pseudonyme de Malinovskij) au moment de la Révolution bolchevique. Mis sur la piste de la philosophie indienne à travers les textes de Nagajurna ayant vécu au IIe siècle Carlo Rovelli y découvre une résonnance immédiate. Au-delà de son propre domaine il fait le lien avec la théorie de l’information, avec les neurosciences, la biologie, le psychisme, la conscience.
Ecrivain à succès, chercheur de haut rang sur la gravité quantique, Carlo Rovelli partage ici en termes simples l’éblouissement qui a été le sien en réalisant le sens possible à donner à cet édifice de connaissances après tant d’années dans le brouillard. Le monde fonctionnerait en termes de relations. Dans ce cas les entités physiques perçues comme les objets animés ou non résultent de nœuds d’interactions au sein d’un réseau. De là leur sont conférées les propriétés toujours relatives entre elles, celles qui sont ordinairement mesurées en physique classique. Il assimile les découvertes sur les quanta à la visite de châteaux enchantés dont il reste à dévoiler une partie de leurs mystères.
(1) En séjour à Helgoland en 1925, cette île allemande en Mer du Nord où il a vécu sa première intuition.