Sur les chemins de non retour
de Jean-Pierre Otte

critiqué par Voiz'art, le 6 juin 2022
( - 53 ans)


La note:  étoiles
Sur les chemins qui mènent à soi-même
Certains livres sont d’une telle fertilité que lorsqu’on y plonge la tête la première, ils remplissent le vide, délivrent, détruisent insensiblement toute impression d’isolement. On se croyait séparé de tout, en rade, laissé pour compte, et on se retrouve réuni, accordé à tout, au diapason même de l’univers.
Jean-Pierre Otte publie aujourd’hui « Sur les chemins de non-retour ». Voilà un recueil de poèmes magnifique et dense comme un alcool fort. S'ils sont de non-retour, en revanche les chemins nous emmènent quelque part, ailleurs, dans un ailleurs logé en nous-mêmes. Il y à vivre tant de contrées inconnues, d'opportunités, de croisées et de rencontres, sans qu'on revienne jamais à son point de départ,en allant de l'avant, à l'aventure, l'esprit avisé et le vent au visage, avec au ciel «les longs vols en V des grues cendrées qui émigrent vers le Sud comme dans les livres d'images» :

« Celui qui disparaît en lui-même se retrouve
en un pays d'asphodèles et d'ombres enneigées,
où sont des échos bleus qui s'en vont
par ricochets légers dans les lointains.
C'est étrange et déconcertant avant qu'on s'accoutume.»
Il convient d'être circonspect pour en admettre la beauté.»

Jean-Pierre Otte est un magicien de mots, de mots drus, doux, lisses, charnels, éclatants de signes et de saveurs, quand le sensible est dans la sensation mais aussi dans ce qui est chargé de sens. Sa poésie est aussi comme celle d'un maraudeur ou d'un braconnier du secret inscrit au cœur même de l'existence, dans une certaine disposition d'esprit, une volonté de se rendre disponible à tout ce qui se présente, ouvert, offert à toutes les occasions, les opportunités, des mouvements d'ouverture. Le poète serait-il de surcroît un pêcheur de perle se laissant

« couler à pic en lui-même
pour trouver l'étroit passage vers ce ciel nocturne
en réplique au-dedans de nous-mêmes, où il y a
sans cesse des scintillements de vers luisants
qui font sans bruit cortège à la nuit des temps ».

Pour Jean-Pierre Otte , et nous, lecteurs, lectrices, avec lui, le temps est venu d'en finir avec l'état de disgrâce, de ne plus se sentir en disparité, en porte-à-faux ou malvenu. C'est un accord à recouvrer, la clé des champs à retrouver, le diapason perdu.

Voiz’art