Le Voyageur sans Bagage, que j'ai eu la chance de jouer, est une pièce très intelligente quoique sans prétentions ; les personnages qui y sont décrits sont, pour la plupart, d'une grande profondeur. Les répliques sont savoureuses, parfois tragiques ; le personnage de Georges est troublant sous de nombreux aspects. On y trouve parfois des moments vraiment drôles : les deux tableaux "des domestiques" sont brillamment réussis, et, quand le drame voudrait nous ébranler, le personnage excentrique et délicieux de la Duchesse parvient toujours à alléger l'ambiance. Il y a dans le Voyageur sans Bagage une esthétique de l'équilibre : on voudrait parfois pleurer, souvent on est amenés à rire ; et l'illusion théâtrale qui se répète sous nos yeux au travers de ce héros qui en joue un autre qui en joue un autre ne pourrait agir sans la vraisemblance des comportements de ceux qui l'entourent.
Quant au Bal des Voleurs, c'est une pièce spontanée et simple qui a beaucoup de mérite et qui est selon moi particulièrement réussie. Certes sans prétention, l'ouvrage parvient à croquer avec élégance la naissance de passions, la condition des voleurs, le charme suranné des maisons bourgeoises. C'est un divertissement qui n'a rien à envier à nos grandes comédies ; et ce personnage de Lady Hurf, quel régal ! Une pièce excellente, donc, un peu écrasée par la précédente, mais qui n'a rien à lui envier.
J'admire cette capacité d'Anouilh à s'approprier les idées déjà vues : sans Sophocle, pas d'Antigone, sans La Fontaine, pas de Fables, sans drames bourgeois de toutes provenances, pas de Voyageur sans Bagage. Ces deux pièces ne font pas évoluer le théâtre français, mais quel plaisir a-t-on à les lire !
Lisancius - Poissy - - ans - 6 juillet 2010 |