Psaume, passant
de Marc Dugardin, Antoine Dugardin (Dessin)

critiqué par Débézed, le 2 mai 2022
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Mots joueurs
Avec Psaume, Marc Dugardin propose un recueil de poésie en prose d’une écriture contemporaine, élégante, fluide, créative et évidement poétique, constituant un texte très littéraire, luxuriant, chatoyant. Il convoque les mots pour les faire chanter, évoquant la musique et les musiciens et les couleurs qui prennent une place essentielle dans sa poésie. Ces mots ne sont pas jouets, ils sont joueurs : « Je ne joue pas avec les mots. Ce sont les mots qui me déjouent ».

Il a intitulé ce recueil « Psaume » car il se réfère régulièrement aux sources bibliques, pour chanter la vie, principalement la vie vers sa fin, celle où la solitude, l’ennui, l’abandon assaillent le poète séchant lamentablement sur sa feuille blanche, hanté par la peur de vieillir, la crainte des affres de la vieillesse et de la déchéance des corps. Le Psaume, c’est le chant de la fin, le chant d’éloge pour ceux qui sont partis, ou qui vont partir, le chant pour déjouer l’aigreur affleurante, la pointe de désabusement émergeante. « Psaume, c’est seulement ce battement à ma tempe. / C’est ce qui, en moi, est plus fragile encore que moi. Et plus fort que ma solitude ».

Psaume pour la petite vieille décédée sans que personne ne s’en préoccupe, psaume pour le vieil homme qui fume ses cigarettes au coin de la fenêtre, vieillissant de plus en plus, semblant attendre sa fin, psaume pour la mère décédée depuis longtemps. Et, peut-être, surtout psaume pour l’auteur lui-même qui, à travers la vieillesse des autres, semble sentir son propre déclin émerger. « Entre les deux, rien, un voile, un rideau, la vent, une feuille de papier où s’inscrit la perte… »

L’auteur s’immerge complètement dans sa poésie. « Notre rencontre n’est consignée nulle part. / Elle est vraie sur cette page où vivre prend acte ». Il semble se réfugier dans ses mots pour attendre la mort qu’il évoque souvent. « La mort a frappé. Intransigeante. Hier, un vieux poète a parlé de l’âme. Je n’ai pas cru ce qu’il disait… ». La mort qu’il voudrait réfuter, récuser, repousser, la mort qui se glisse dans l’espace laissé de plus béant par la vie qui rétrécit. « En fait, c’est la zone de la vie qui rétrécit… ». Cette zone que le poète voudrait remplir avec ses mots pour que la mort ne l’envahisse pas trop vite. « Puis des mots viennent dans l’espace que la mort n’a pas encore occupé ».

Cet espace dont il concède quelques morceaux à Antoine Dugardin pour les remplir de ses magnifiques photos parfaitement en harmonie avec l’élégance du texte.
Et pour conclure, je voudrais citer l’éditeur qui a inscrit sur la quatrième de couverture ces quelques mots que je trouve tellement en résonance avec le texte du recueil : « Marc Dugardin … recueille des fragments de paroles et de silences, parfois l’écho d’une musique ».