Quatuor pour une autre vie
de Raoul Vaneigem, Claire Lejeune (Co-auteur), Marcel Moreau (Co-auteur), Jacques Sojcher (Co-auteur)

critiqué par Sahkti, le 24 septembre 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
La vie est précieuse
Quatre auteurs qui joignent leurs voix pour proposer un modèle de vie différent, une autre manière de considérer le monde. C’est un essai violent, dans lequel ces quatre écrivains belges décident de secouer le lecteur afin que ce dernier arrête de se lamenter ou de se complaire dans le pessimisme qui agite le monde actuel. "Humains, réveillez-vous!", voilà en quelque sorte le grand principe de cet ouvrage qui nous demande de croire à nouveau en nous et dans le monde. Tâche difficile (notamment pour moi, nietzschéenne convaincue), dire qu’on aime la vie est une première étape, mais il convient ensuite de partager cet enthousiasme avec l’Humanité, ça devient plus ardu.
Raoul Vaneigem, Marcel Moreau, Claire Lejeune et Jacques Sojcher donnent, en quatre chapitres bien distincts, quatre voies à suivre, complices mais autonomes, pour appréhender notre vie autrement, de manière plus optimiste et constructive. Claire Lejeune insiste sur la solidarité et la société de fratrie qui devrait être la nôtre, tandis que Raoul Vaneigem défend la société libre et sans obligations. Légère utopie à mon avis mais y croire peut faire du bien, tout comme Marcel Moreau qui prône l’idée d’une révolution tranquille et désintéressée. Le propos de Jacques Sojcher est certainement celui qui m’a le plus interpellée, le soulignement du caractère éphémère et fragile de la vie, le prix à lui accorder.

Ce livre se veut un recueil de sagesse, un encouragement à prendre sur nous et affronter nos vies, les seules que nous possédons sur cette terre et que nous devons agrémenter du mieux que nous pouvons. Un ouvrage à lire sans aucun doute en complémentarité avec le recueil d’Alain Le Ninèze "Marcher sur les pieds de la femme qu’on aime". Si le premier propose la théorie, le second la met en pratique.
Est-il trop tard? 8 étoiles

Les quatre auteurs font partie, et depuis longtemps, des résistants à la machine capitaliste.En ce qui me concerne, je considère leurs avis comme légitimés par la lutte qu'ils mènent depuis des lustres.

D'autre part, certains sont professeurs de philosophie et connaissent les problématiques évoquées.
L'écrivain à part entière, Marcel Moreau, que j'admire, me semble analyser le mieux le mal causé par la "machine capitaliste favorable aux boutiquiers et aux guerriers".
Il "exhorte "à la culture, au "rechargement" du sens des mots.
Il a attiré mon attention sur le dictionnaire de Furetière, reprenant le vocabulaire du 17ème siècle lorsque les mots avaient plus de puissance et de richesse.(Est-il disponible en librairie?)

Comme toujours , il fait appel à la puissance des instincts, pour "soulever" la vie.
Mais il sait que le combat est de plus en plus difficile depuis la "massification" des atteintes à la vraie vie.
Il se dit trop fatigué pour participer activement à ce combat. Je respecte profondèment ce vieux "touilleur de cerveaux". Malgré une certaine lassitude liée à l'âge, ses textes sont toujours aussi excitants et incitants.
Il conclut par cet appel :"Il y a un besoin pressant de résistants".

Raoul Vaneigem est toujours aussi efficace dans l'analyse et la critique du système capitaliste, mais toujours aussi vague dans les remèdes ou les armes possibles.

D'ailleurs l'exergue qu'il place en début de son texte est significatif, je cite "J'aimerais assez que l'on cesse de prendre pour un constat ce qui est dicté par une volonté de changement radical".

Je crois que personne ne nie son désir de changement radical, mais depuis le succès de ses premiers livres "Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes générations" en 1967 et "Adresse aux vivants sur la mort qui les gouverne et l'opportunité de s'en défaire" en 1990, quels sont les résultats obtenus?
Je suis pessimiste. Je crois que la "massification" a gagné . Ce qui ne m'empêche pas de résister en diffusant ses théories et celles de ses compagnons de lutte.(Même si certaines interventions sur CL m'attristent comme '"A bas André Breton"!)

Je connais moins Claire Lejeune. Son appel à une "communauté" de pensée et d'action bien argumenté avec de prestigieux compagnons de pensée comme René Char '"
Compagnes et compagnons, développer votre étrangeté légitime"
et Nietzsche parle d'amour et de fratrie.
Elle a eu la chance d'avoir été "irradiée par l'amour" à 33ans!
Je réponds positivement à sa question" L'amitié peut-elle enfanter?".

Jacques Sojcher, prescrit de "donner congé à tout ce qui retrécit, enlaidit la vie des vivants".
Il propose de" revenir à la prose des jours, dans ce siècle menacé par deux hydres planétaires : le dieu de l'intégrisme et le veau d'or du Grand Marché."
Il espère , ,avec ses complices,avoir atteint "la petite oreille du lecteur" .
En ce qu'il me concerne , ils ont réussi.

Donatien - vilvorde - 81 ans - 8 janvier 2009