Sarutobi
de Osamu Tezuka

critiqué par Magicite, le 8 mars 2022
(Sud-Est - 45 ans)


La note:  étoiles
conte de guerre historique, mythologie et paysannerie autour d'Edo
A l’origine des mangas (bédés japonaises) de l’ère industrielle il y a Tezuka.
Bien sûr il n’y a pas que lui et viendront plus tard d’autres artistes de ce média qui imposeront un style pilier de ce média (comme Otomo auteur d’Akira qui a su s’éloigner des codes de l’école Tezuka 20 ans plus tard) mais un seul est surnommé dieu du manga et c’est Osamu Tezuka (ou le Walt Disney japonais pour rester plus modeste).
Il serait malavisé de s’arrêter à la graphie à l’allure simple de Sarutobi (l’auteur a pu faire d’autres œuvres plus réalistes dans son dessin comme Black Jack) qui colle bien à l’ambiance du récit, conte historique plein d’humour, pour en déduire que c’est une œuvre mineure et enfantine.
Publié au début des années 1960, le personnage qui donne le nom au livre est inspiré d’un héros de contes populaires nippons (Sarutobi Sasuke) de la fin du 19ème siècle.
Nous débutons dans l’histoire avec ce gamin facétieux (même un peu paresseux et tricheur) qui vient d’acquérir auprès de son maître son diplôme de ninja, diplôme lui permettant officiellement la pratique de la magie ninja.

A travers sa quête initiatique, le personnage et son amie d’un village paysan (elle aussi ninja mais bien plus sérieuse et douée) vont parcourir les guerres du shogunat de la fin de l’ère Togugawa et être confrontés à des personnages historiques (ou leur version légendaire pour le bandit Goemon).

Beaucoup de dynamisme dans le dessin où le style des personnages effet chewing-gum (à la Popeye) excelle et participe de l’humour omniprésent.
Humour aussi avec des références à des films de Tokugawa, ou allusions très claires au film Fantasia de Disney.
Humour dans la mise en abîme: la première page s’ouvre sur l’affiche d’un avis de recherche avec un croquis représentant l’auteur accusé d’être un propagateur de mensonges et auteur de canulars dangereux et autre utilisation du ‘quatrième mur’ (ou plutôt comme dit Alan Moore de l’espace entre les cases pour ce média).
Bien sûr le héros sous ses airs de galopin effronté un brin égocentrique se révèle avoir bon cœur et être juste, confronté à la cruauté et des épreuves, ses facéties seront aussi sa force (ou ses échecs parfois). Courageux aussi malgré ses blessures physiques (moins face aux morales). Juste jusque dans son appréciation de la guerre qui au dernier chapitre (l’histoire est découpée en 3) est tiraillé entre l’horreur de la guerre et l’envie de se battre, entre le choix d’une existence paisible de paysan et la participation aux guerres de l’empire.
L’humour allié au style graphique rend le drame (morts de la guerres, trahisons et magouilles politiques) acceptable et permet de conserver le conte comme fil directeur sans exclure la satire et critique sociale (bien que mineur ici).
L’histoire reste haletante, le dessin plein de trouvailles et clins d’œil au lecteur tout le long de 330 pages au format 23X17 cm (pour l’édition française chez Cornélius).

Un conte plaisant sur fond de l’histoire du Japon, une romance amusante et intéressante par son traitement plutôt symbolique de la contradiction mâle/femelle qui peut aussi se voir comme une complémentarité (bien que romance en filigrane et pas conforme au conservatisme japonais de ne pas exprimer ses émotions, encore présent dans le Japon actuel).
Une œuvre très abordable pour les non initiés au manga (de tous les âges) et une rareté pour les amateurs de la culture japonaise; l’éditeur n’étant pas un des acteurs les plus en vue le livre sera peut-être difficile à trouver. On y retrouve pourtant les prémices (l’inspiration?) d’un certain gros succès de parution: Naruto (de Kishimoto où Sarutobi est le modèle du héros, Sasuke la famille d’un des personnages principaux axée sur la tradition et l’héritage traditionnel.