Son fils
de Justine Lévy

critiqué par Alma, le 10 janvier 2022
( - - ans)


La note:  étoiles
Une mère-louve
Lui, le fils, c'est Antonin Artaud, théoricien du théâtre, acteur, écrivain, essayiste, dessinateur et poète français, et elle, la mère c'est Euphrasie Artaud .

C'est celle qui toute sa vie a vu dans son fils malade et interné un génie incompris, « plus tard il sera Baudelaire, il sera Gérard de Nerval, il sera Edgar Poé ». Celle qui l'a protégé, accompagné, lui a fourni les drogues qu'il réclamait, une sorte de mère- louve qui n'a cessé de souffrir elle-même, de s'interroger sur sa possible part de responsabilité dans les troubles de celui qui est demeuré jusqu'à sa mort « mon Nono, mon Nanaqui ».

L'ouvrage de Justine Lévy est le journal imaginaire de cette génitrice qui se présente comme la seule capable de comprendre les troubles profonds de son fils. Son titre met en avant le lien de possession que la mère revendique sur son enfant .
Il offre à la fois le portrait d'une mère-courage et le regard subjectif de celle-ci ( car jamais Artaud n'est présenté de façon objective) sur le parcours artistique et médical de son fils de 1920, date à laquelle, à 23 ans il quitte le « nid » familial, déjà atteint de « tics nerveux, de mouvements d'humeur impossibles , d'accès de sauvagerie » à 1948, année de sa mort.

28 années où alternant chez la mère angoisses et espoir et pour le fils périodes de soins, d'enfermement dans différents établissements et moments de création, de renaissance artistique.
Le livre prend alors deux dimensions complémentaires, de l'ordre du document .
On y trouve le quotidien des hôpitaux psychiatriques, les différentes thérapies utilisées dans le traitement de l'aliénation mentale, notamment les électrochocs .
On y découvre également la vie culturelle littéraire de cette période, le rôle des d'intellectuels tels André Gide,André Breton, Robert Desnos qui ont cru en Artaud, l'ont fait sortir de la « geôle infâme où croupissait son génie » et ont aidé à son retour public mais temporaire sur la scène du Vieux Colombier.

Certes, Euphrasie peut apparaître comme une mère farouche, encombrante, possessive, castratrice , « personne ne me volera mon Antonin », qui n'a que haine et méfiance pour les femmes qui approchèrent Artaud « des gourgandines, des poisons » mais je vois aussi en elle l'image émouvante de la Mère qui bec et ongles, inlassablement, défend son Fils et l'accompagne sans jamais se décourager, dans les étapes successives de son chemin de croix .