La transparence du temps
de Leonardo Padura

critiqué par Isad, le 19 janvier 2022
( - - ans)


La note:  étoiles
Une enquête aussi sur le temps qui passe
La Transparence du temps est un roman foisonnant de personnages (dotés de noms, prénoms, diminutifs et surnoms) et de réflexions sur la vie et les gens.

Le premier fil narratif est la recherche de la statue volée à un vieux camarade de classe perdu de vue du narrateur, ancien policier, devenu négociant en livres et qui aspire à écrire. Nous somme à Cuba en 2014 et on découvre les différents quartiers de La Havane, certains aspects politiques, les aspirations au départ de l’île et les liens qui restent étroits avec la diaspora, le monde de l’art, ...

Le second récit s’enfonce dans le temps et nous fait voyager dans l’espace, montrant ainsi le long périple réalisé par cette vierge noire et l’histoire des personnes qui l’ont transportée.

Même si j’ai parfois été un peu agacée par les jérémiades égoïstes du principal protagoniste sur le temps qui passe et les amis qui s’en vont, le rhum bu en quantité astronomique pour oublier et/ou combattre la chaleur, le livre est intéressant par les aspects historiques et sociologiques qui l'emportent, à mon sens, sur l'intrigue policière, bien menée, qui reste en suspens jusqu’à la fin.

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Le temps dans le temps... 10 étoiles

La Transparence du temps est un livre classé dans les polars mais , même s’il existe vraiment une intrigue, le roman va bien au-delà d’une simple enquête policière.

La qualité du roman réside dans la projection historique d’une vierge noire, véritable fil conducteur du Moyen âge aux années 2000 , dans un Cuba en pleine transformation pas vraiment heureuse.

La Havane est au cœur de l’histoire, comme son personnage principal Mario Conde déjà rencontré dans des livres précédents. Mais le Conde du roman est vieillissant et il a bien du mal à l’accepter ; Il n’est plus flic mais ne peut s’empêcher d’agir comme tel alors, quand un ancien camarade d’université vient lui demander son aide suite à un vol de ses biens dont une vierge noire , il accepte car Conde est un homme pour lequel l’amitié est ancrée dans ses valeurs. Mais les milieux dans lesquels il va mettre son nez sont bien loin de son éthique personnelle.

Conde n’est pas un baroudeur, il a des états d’âme qu’il arrose beaucoup trop copieusement de rhum ; il a le sens de la justice et de l’égalité, aussi , quand il va découvrir “les implantations”, véritables bidonvilles à la périphérie de La Havane, il va déprimer et être totalement déconcerté, surtout face à des milieux ultra-riches qui se sont créés parallèlement à ceux des pauvres, principalement grâce au trafic des œuvres d’art. C’est donc dans ces milieux qu’il va rechercher cette vierge noire et dans lesquels Bobby, son ami d’enfance, avait réussi à s’infiltrer. Bobby tient à cette vierge qui lui vient de sa famille et dont il affirme qu’elle détient des pouvoirs et l’aurait guéri de son cancer...

L’intrigue va être compliquée, elle va passer des bidonvilles aux palais des marchands d’art, de fausses pistes en découvertes . Conde, abattu par les implantations et l’indécence des richesses tâtonne, fait appel à son ancien collègue de la police Manolo et à ses fidèles amis.

Tout aurait pu se résumer à l’enquête, mais l’auteur avec brio va inclure dans son roman toute l’histoire de cette vierge noire des XII è et XVè siècle en plein cœur des croisades, avec un certain ANTONI Baral, frère templier . C’est passionnant historiquement, parfaitement documenté ; on quitte le présent pour une plongée dans les prises de Tripoli, de Saint Jean d’Acre et de l’effondrement des croisades et des templiers, jusqu’à... la guerre d’Espagne en 1936. Au cœur , cette vierge noire qu’il faut à chaque fois sauver car faiseuse de miracles...

Si l’intrigue peut sembler longue c’est du fait de ces coupures, magnifiques, dans le temps, mais qui se rattachent tout naturellement à l’histoire actuelle. Conde est un être particulier bien loin des enquêteurs classiques, il a quitté la police pour vendre des livres anciens, il est toujours fauché et surtout, il vénère l’amitié et aime toujours la même femme malgré son besoin d’indépendance. Il a une sorte de naïveté déconcertante et beaucoup de sensibilité. C’est un héros attachant ; ses réflexions sur la vieillesse sont touchantes car montrant sa fragilité, ainsi que celles sur la situation de sa ville La Havane qu'il voit avec désespoir se dégrader.
Il y a une scène particulièrement émouvante où il parle à son ancien patron de la police devenu hémiplégique :
"Toi, tu ne peux pas imaginer comment vont les choses. Toi, tu n'as jamais rien vu de semblable à ce quartier des Orientaux où on m'a flanqué ce coup sur la tête, la façon dont vivent ces gens, dans les immondices et la violence, survivant grâce à la débrouillardise. Oui vieux... on en est arrivé là... Et c'est la même chose dans le quartier Centro Habana et dans la moitié du pays..."

Moi non plus je n'avais rien vu de semblable quand j'y suis allée il y a 20 ans ! Quelle désolation...
J'avais aimé Conde dans “Les brumes du passé”, je l’ai autant aimé dans ce beau roman. Et Leonardo Padura est un grand écrivain ! J’ai hâte de le retrouver ...!

Pieronnelle - Dans le nord et le sud...Belgique/France - 76 ans - 7 juin 2022


Les vies multiples d'Antoni Barral 5 étoiles

Le jour où Mario Conde est contacté par un ancien camarade d’école qui vient de se faire dépouiller de tous ses biens par son jeune amant, il a du mal à reconnaître le garçon timide et maltraité en cet homme riche à l’homosexualité assumée.
Parmi tous les biens volés, il en est un auquel il était très attaché, une statue de Vierge Noire.
Conde découvre rapidement que son ami lui a caché beaucoup de choses en particulier la valeur de cette statue originale qui semble intéresser beaucoup de personnes, prêtes à tuer pour l’obtenir.
Aidé de ses vieux amis Yoyi le Palomo, Candito le Conejo, et Manolo, policier, son ancien collègue, Conde va rencontrer de riches marchands d’art aux propriétés luxueuses mais aussi visiter les bas-fonds de La Havane, les "implantations" où survit une population cubaine dans la plus grande pauvreté.

Les chapitres rapportant les recherches de Conde alternent avec des passages remontant l’histoire d’Antoni Barral et de l’étrange statue aux multiples pouvoirs, de ses voyages pendant les croisades, jusqu’à son arrivée en terre basque.

Parmi les chapitres les plus intéressants.
Il faut dire que la visite des bas-fonds de Cuba (que Conde compare à un tableau de Jérôme Bosch !) donne lieu à des descriptions bien loin de celles des dépliants touristiques. Gênée moi aussi par des passages scatologiques, ou des descriptions nauséabondes sans fin. Les détails de la vie intime de Conde ne sont absolument pas nécessaires.
Gênée aussi par le nombre de personnages qui ont bien sûr un nom, mais aussi un prénom et un surnom ; de quoi parfois perdre le lecteur.
Et c’est bien dommage car l’intrigue est intéressante ; le personnage de Conde est assez sympathique, dans ses doutes, dans son angoisse de fêter ses 60 ans.
Mais je reconnais que s’il n’avait pas fait partie du Prix CL, j’aurais abandonné la lecture.

Marvic - Normandie - 65 ans - 3 mai 2022


Ouf ! Fini ! 4 étoiles

Ce roman est très - trop - long et passe beaucoup -trop- de temps sur les états d'âmes de Conde (*) en proie aux affres de la vieillesse (il va avoir 60 ans…)
« Entre les cafés et les cigarettes, il fit une généreuse pause aux toilettes où il déposa la mouture des aliments raffinés du dîner exquis de la veille et pensa à la triste fin des fromages français. »

L'intrigue policière est minimale et, pour ne rien arranger, Conde (l’auteur ?) est très très macho …
L’« enquête » est surtout l’occasion de « visiter »les quartiers les plus pauvres et les plus riches de La Havane.

Sans le prix CL, j’aurais abandonné ce roman à mi-chemin. Certainement pas le meilleur de Leonardo Padura…

(*) Pour celles et ceux qui ne le connaissent pas, Mario Conde, ex-policier, est le héros récurrent de Leonardo Padura

Ludmilla - Chaville - 68 ans - 11 avril 2022