A la table d'Hitler
de V.S. Alexander

critiqué par Missef, le 12 décembre 2021
( - 58 ans)


La note:  étoiles
La grande histoire par le petit bout de la lorgnette
Résumé de l'éditeur:
Tous les jours, dans le silence de la grande cuisine, c'est la peur au ventre que Magda avale ses repas. Chaque bouchée pourrait être la dernière. La jeune femme est l'une des «goûteuses d'Hitler» dont la mission est de tester sa nourriture et de s'offrir en sacrifice en protégeant le Führer d'un empoisonnement. Peu à peu, Magda s'habitue au risque permanent. Dans l'environnement du Berghof, la luxueuse «Tanière du loup», elle pourrait presque en oublier l'horreur de la guerre. Mais, un jour, elle découvre des photos des camps de la mort et sa haine de tout ce que représente le régime nazi ne fait que grandir. Lorsqu'elle apprend qu'un complot contre Hitler est en préparation, elle décide de s'engager au côté d'un jeune et séduisant officier rebelle. Mais dans cet univers de chaos, comment oser croire en un avenir? Ils vont devoir tout risquer pour espérer, un jour, vivre dans un monde en paix...


Mon avis :
Alors que ça commence à sentir le roussi pour le Troisième Reich, Magda, Jeune Berlinoise qui a besoin de gagner sa vie, finit par un concours de circonstances par se faire enrôler parmi les goûteuses d'Hitler. Avec elle, le lecteur entre dans le Berghof des montagnes de Bavière, dans la "Tanière du Loup", aux frontières de la Pologne, puis dans le Bunker berlinois lorsque les jours de l'Etat nazi sont comptés ; elle côtoie bien sûr Hitler, mais aussi Eva Braun et les Goebbels. Jolie et agréable compagnie, me direz-vous et vous n'aurez pas tort. Mais ce qui fait l'intérêt de ce livre, c'est justement de rabaisser ces figures diaboliques au rang de piètres humains, avec leurs faiblesses, leurs petites mesquineries, leur peur. Si l'on peut reprocher à la narratrice de faire porter le blâme exclusif de la tragédie nazie au seul Hitler, coupable selon elle de tous les maux, sans s'interroger sur la société plus globalement, c'est en cohérence parfaite avec les limites de son personnage, peu enclin à voir plus loin que le bout de son nez.
Un roman très instructif, qui donne envie d'en lire plus sur cette période de l'histoire.
De l’estomac comme voie vers la conscience 8 étoiles

Bien qu’un peu circonspecte face à la manie éditoriale actuelle, consistant à publier des romans comme « Le Tatoueur d’Auschwitz », « La Bibliothécaire d’Auschwitz », « L’Horloger de Dachau » et j’en passe, je me suis attaquée à ce volume consacré à l’une des goûteuses d’Hitler – en fait un roman bâti, aux dires de son auteur, à partir des carnets de la personne correspondant à la protagoniste du roman – et je n’ai pas regretté mon choix. De fait, ce roman nous introduit dans l’univers paranoïaque et crépusculaire des dernières années du Reich, avec un éclairage plutôt inédit, en tout cas pour la lectrice que je suis. Nous avons le point de vue d’une jeune femme banale, au fond assez indifférente à la politique et aveugle au sort des victimes de la barbarie nazie, qui en vient peu à peu, pour des raisons, reconnaissons-le, égoïstes, à entrouvrir les yeux sur ce qui l’entoure.
Loin de dresser le portrait louangeur et édifiant de la protagoniste, « À la table d’Hitler » présente les interrogations d’une conscience limitée face à des événements qui la dépassent. Ce qui donne un récit d’un réalisme bienvenu quand ce genre de sujet n’échappe pas souvent aux écueils du pathos et du manichéisme.

Reginalda - lyon - 57 ans - 23 janvier 2022