Des villes et des femmes - Intégrale
de Bob De Groot (Scénario), Philippe Francq (Dessin)

critiqué par Shelton, le 30 novembre 2021
(Chalon-sur-Saône - 67 ans)


La note:  étoiles
Judicieuse réédition !!!
Par goût, mais aussi par raison, je préfère toujours quand les éditeurs donnent une chance aux nouveaux auteurs plutôt que de les voir rééditer des albums anciens avec l’idée de se faire de l’argent sans trop de risques… C’est ainsi que je ne mets pas trop en avant les compilations de toutes natures, les rééditions dans un nouveau format et autres actions très commerciales… Mais, ceci étant posé, reconnaissons qu’il reste le cas des nouvelles éditions d’une œuvre que l’on ne trouve plus en librairie… Doit-on laisser ce qui est ancien aux oubliettes définitivement ? Non car ancien ne signifie pas mauvais, de toute évidence…

C’est ainsi que c’est avec beaucoup de plaisir que je viens de découvrir la réédition de ce que Bob de Groot et Philippe Francq avaient réalisé en 1987 et 1988, Des villes et des femmes. Les deux volumes ont été réunis en un seul, l’édition est de qualité et la seule chose gênante, la plus commerciale, reconnaissons-le, c’est cet autocollant rouge « Philippe Francq avant Largo Winch »…

En effet, cet élément de communication passe d’abord sous silence le travail du scénariste Bob de Groot alors que dans ces six nouvelles BD, il est l’élément essentiel et premier. C’est lui qui a créé ces six destins de femmes qui rendent cet ensemble passionnant !

Deuxième remarque, ce n’est pas parce que le dessinateur aurait réalisé cette mise en images avant Largo Winch que cela donnerait une quelconque qualité artistique, narrative ou autre… Il y eut dans l’histoire de la bande dessinée comme dans celle de la littérature des œuvres de jeunesse de qualité et d’autres à oublier le plus rapidement possible ! Ici, non seulement c’est à garder mais c’est même du grand œuvre !

Tout d’abord, dans la bande dessinée, le genre « nouvelle » existe bien, on parle souvent de récit court, mais il n’est pas si courant que cela surtout depuis que les magazines de BD ont complètement disparu ou presque. On a donc là une forme assez exceptionnelle et chacun sait bien qu’en littérature la nouvelle n’est pas un art si facile. En bédé, il en est ainsi aussi : créer une atmosphère, assoir la crédibilité d’un ou deux personnages en quelques cases ou planches, arriver à clore une histoire si vite commencée… tout cela mérite du talent et nos deux auteurs n’en manquent certainement pas, ils en ont à revendre !

Donc six destins de femmes, six histoires complètes, six drames aussi, on peut le dire, six pages d’humanité, bref, six moments jubilatoires pour le lecteur, c’est indiscutable ! J’avais lu avec plaisir ces histoires à la fin des années quatre vingt, j’ai eu beaucoup de plaisir à les redécouvrir aujourd’hui. C’est comme si elles n’avaient pas vieilli… Tout simplement !

Une nouvelle couverture, une re-colorisation complète mais pas de changement dans le contenu, dans le fond… On est loin, ici, du Bob de Groot de Léonard, de Robin Dubois, de Clifton, de Lucky Luke… Il a abandonné le gag et l’histoire lisible par les adolescents pour s’installer dans le récit pour adulte, l’histoire grave, le récit noir… Génial !

Alors, on pourra toujours reprocher à certaines femmes de ne pas être assez féministes (et encore, ça reste à prouver !), à certains hommes de se complaire dans une forme de machisme (pour l’un, ça semble bien vrai !) ou de faire la part belle au drame comme si les histoires ne pouvaient pas bien se terminer… En fait, toutes les histoires se terminent mais parfois mal, enfin, souvent mal…

Pour moi, une réédition justifiée que vous devriez découvrir au plus vite pour ceux qui ne connaissent pas encore !