Manifeste pour une mort douce
de Roland Jaccard, Michel Thévoz

critiqué par Catinus, le 13 octobre 2021
(Liège - 72 ans)


La note:  étoiles
Remarquable !
Comme le dit si justement Roland Jaccard « la vieillesse est l’âge des humiliations inédites ». Par contre, il n’y pas d’âge pour une fin de vie douce, si elle est souhaitée. Mais cela reste, encore de nos jours, un vœu pieux…
Attention ! Ce manifeste est de la nitroglycérine (# dynamite). A manipuler avec d’infinies précautions. Je vous conseille de le lire, non pas d’une traite - il ne fait jamais que 120 pages maximum – , mais en plusieurs étapes (quatre, cinq, six) pour deux raisons. 1. Afin de bien comprendre tout ce qui y est dit. 2. Pour éviter de tomber éventuellement dans un état de dépression néfaste.
Il y a deux catégories de mort douce : l’euthanasie et le suicide. Ce sont les sujets de ce remarquable ouvrage.

Extraits :

- L’Etat et ses services médicaux n’aiment pas les suicides : c’est une manifestation de désaffection sociale, une rupture de ban, un acte d’incivisme, une insubordination.

- (par l’euthanasie et le suicide) On donne son congé à une existence qui n’est pas pire qu’une autre et, par là même, on rompt le cercle enchanté et douloureux de tous ceux qui pensent que la vie est le bien suprême et qu’il faut tenir coûte que coûte. Pourquoi ? On ne le saura jamais, c’est une de ces évidences qu’il serait malséant de creuser.

- Aujourd’hui, la quasi-totalité des situations problématiques, de la naissance - et même de la conception – à la mort, aboutissent à des actes médicaux. Le sentiment religieux s’est donc déplacé de la cathédrale à l’hôpital. (…) Nous faisons confiance aux médecins, parce que, dans notre inconscient encore empreint de religiosité, ils ont pris le rôle du prêtre.

- Les législations les plus progressistes stipulent grosso modo que les conditions suivantes doivent être réunies pour envisager l’euthanasie passive : que le malade exprime en toute lucidité son désir de quitter la vie ; qu’il se trouve dans une phase terminale de la maladie ; que sa souffrance soit intolérable et sur une longue durée ; qu’il persiste tout aussi durablement dans ses dispositions d’esprit en renouvelant son vœu ; qu’il soit informé des autres possibilités de traitement et qu’il soit en état de se déterminer. Autrement dit, le moribond doit être lucide, mais dans le coma ; il doit être dispo, mais à la torture ; il doit pouvoir délibérer, mais être déjà mort. Au demeurant, le médecin traitant ne saurait prendre aucune disposition sans l’aval d’une commission qui aura soumis le malade à la question.

- Ce vers du grand poète mexicain Inès de la Cruz : « Tu agoniseras dès ta naissance. Tu naîtras, tu travailleras, tu enfanteras, tu vieilliras et tu mourras dans la douleur »

- Sous prétexte qu’ils provoquent des maladies graves, qu’ils sont nuisibles pour la santé, l’homme, au premier coup de semonce, renonce à ses plaisirs, ne touche plus au tabac, à l’alcool, à la drogue, aux bonnes tables, au sexe et se met au garde à vous. Il rêve de vivre comme un jeune vieillard pour, en fin de compte, mourir comme un déchet, cobaye d’une science qui veut toujours laisser une porte à toute éventualité.

- Qu’on y réfléchisse sereinement : est-ce vraiment faire preuve de déraison que de vouloir que ce passage se déroule dans des conditions acceptables ? Ne serait-ce pas pour chacun de nous un réconfort et un secours sans pareils que de savoir que, sur cette terre, le pire peut nous être épargné au moment de la quitter ? Poser la question, c’est y répondre. D’où vient que cette réponse reste sans échos ?