Histoire médiévale de la péninsule ibérique
de Adeline Rucquoi

critiqué par Vince92, le 27 juin 2022
(Zürich - 46 ans)


La note:  étoiles
La lente construction d’une nation.
Le moyen-âge espagnol ou « ibérique » comme le nomme l’auteur, Adeline Rucquoi, éminente spécialiste de la période et de la région, s’étale sur plus de mille ans : de la fin de la présence romaine aux début de la Renaissance dont l’un des marqueurs en Occident est la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb mandaté par les Rois Catholiques d’Espagne.
Entre-temps, la région a eu à subir l’invasion musulmane qui a mis fin à la domination wisigothique qui durait depuis les invasions barbares du Vème siècle. La domination musulmane va structurer la construction nationale, l’imaginaire ibérique tout autant que la formation administrative, culturelle, juridique et politique des deux pays de l’ensemble régional, le Portugal et l’Espagne : si les premiers rois « espagnols » se déclarent comme les héritiers des dynasties de souverains Wisigoths, très vite, la dynamique de la Reconquista (période de la reconquête de la Chrétienté sur les Musulmans) va voir se morceler les entités étatiques. Parfois rendue très compliquée par la multitude des aléas politiques et dynastiques qui rythme la période, le Moyen-âge ibérique demeure néanmoins passionnant et Adeline Rucquoi parvient en un peu moins de 400 pages à brosser un tableau somme toute complet de la période. Le lecteur est guidé dans les grandes évolutions du monde ibérico-espagnol et à l’issue de sa lecture comprend les ressorts de la construction nationale espagnole et portugaise.
Après le débarquement musulman en 711 et la bataille du Guadalete (718), l’Hispanie « utile » est rapidement conquise… le réduit du nord de la péninsule abrite une noblesse issue du monde wisigothique qui va donner naissance à un mouvement de résistance, puis de reconquête (la fameuse Reconquista). Partie des montagnes asturienne, le mouvement va s’étendre, bénéficiant de la division politique de l’espace omeyade en une multitude de petits royaumes de taïfas. Cependant, le monde chrétien non plus ne va pas s’unir et longtemps être confronté aux différentes rivalités dynastiques et politiques : Les royaumes de Navarre, de Castille-et-Leon, d’Aragon et du Portugal émergeant de ces longues luttes.
Les épisodes almohades et almoravides vont prolonger la lutte de la chrétienté face à l’occupation de l’espace par les musulmans jusqu’à la conquête du Royaume de Grenade à la fin du XVe. S. L’étude d’Adeline Rucquoi a le mérite de ne pas se contenter d’une description linéaire chronologique de cette longue et compliquée histoire mais de tirer des enseignements sur les grandes caractéristiques de la période : histoire culturelle, histoire politico-sociale, place des ordres militaires, relations du clergé avec Rome, relations avec la France, économie, etc.
Très touffu, cet essai vise clairement à l’exhaustivité : il se lit lentement et mérite de la part du lecteur un approfondissement des grandes questions soulevée par l’étude de points particuliers : il est difficile voire impossible de saisir en une lecture l’ensemble des détails livrés avec brio par l’auteur : on retiendra plus sûrement un portrait général de la période.