Les choses changent ici, Lecteur

Ce serait dommage que ce premier tome de la série de romans d'Ada Palmer ne soit pas critiqué sur CL : Terra Ignota est rien de moins qu'un des phénomènes de la SF contemporaine.

Trop semblable à l’éclair, le premier roman d’Ada Palmer paru en 2016 aux États-Unis, commence sur notre bonne vieille Terre, encore plus vieille, au moment où débute l'action, de quatre gros siècles. Des choses ont changé : les humains ne sont plus répartis dans des États-nations aux frontières géographiques, mais dans des groupes d'affinités, les Ruches ; ils ne sont plus non plus définis par leur genre, et les familles ne sont plus basées sur la biologie. Évidemment, le progrès technologique permet de circuler à toute allure d'un point à l'autre de la planète, et certains croient et construisent activement la possibilité de vivre d'ici peu sur Mars, entre autres changements notables.

L'incroyable attrait de cette fiction (utopie ? dystopie ? le débat est ouvert) hors-normes tient à l'immense érudition de son autrice, enseignante-chercheuse en histoire aux États-Unis, et à l'intelligence avec laquelle elle la mobilise. Le récit, celui d'un basculement généralisé dans l'instabilité politique par une série de révélations en dominos, est fait par un narrateur pas tout à fait taillé pour le rôle : il s'agit de Mycroft Canner, la personne qui a commis les crimes les plus sordides de ces dernières années. A travers sa voix, le roman déroule les rencontres, conversations, frictions, d'une galerie bien fournie des personnalités les plus puissantes de cette future Terre, en se référant à la littérature du XVIIIème siècle tant pour ses théories politiques que pour ses réflexions théologiques. C'est sans doute l'une des particularités les plus notables de cette série, que de convoquer, parfois très directement, les voix de grands auteurs des Lumières. En guise de conclusion à cette critique, j'ajoute ci-dessous les mots d'Ada Palmer sur les raisons de cette inclusion. D'après moi, pas de doute que sa somme nourrit, et continuera de le faire, les conversations dans le champ de la SF, et au-delà.

"Je pense que l'on n'écrit un roman que si l'on a beaucoup d'objectifs différents, sinon on pourrait l'accomplir avec une nouvelle. Si je devais le synthétiser en une sorte de méta-objectif, ce serait que j'adore lire, et que tant d'auteurs extraordinaires m'ont donné tant de choses, tant d'idées, d'expériences, d'outils de réflexion qui rendent ma vie plus riche, que je voulais écrire une réponse digne de ce nom. Je pense que l'écriture est la quintessence du "rendre la pareille". Les auteurs envoient des livres au monde entier pour participer à la Grande Conversation qui se déroule sur plusieurs générations, et je pense que ce qu'un auteur souhaite le plus, c'est que d'autres reçoivent ces idées, y réfléchissent et écrivent quelque chose en réponse. La réponse peut être vue par l'auteur original, mais elle sera certainement vue par les mêmes lecteurs qui ont lu l'auteur précédent, contribuant ainsi, comme le commentaire suivant dans une discussion, à faire passer la conversation à l'étape suivante."

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  TROP SEMBLABLE À L'ÉCLAIR: TERRA IGNOTA - LIVRE PREMIER

  de Palmer, Ada Charrier, Michelle (Traducteur)
  le Bélial
  ISBN : 9782843449581 ; 24,90 € ; 24/10/2019 ; 672 p. ; Broché

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