L'anté-peuple
de Sony Labou Tansi

critiqué par Septularisen, le 22 juin 2021
(Luxembourg - 56 ans)


La note:  étoiles
«L’ANTÉ-PEUPLE», OU LE PEUPLE HANTÉ?
Citoyen exemplaire, modèle de rigueur et de vertu, Nitou Dadou quarante ans, marié et père de deux fils, est le directeur du collège de filles de Kinshasa. Fier de sa réussite sociale, habitant une belle maison et disposant d’une voiture avec chauffeur, tout pourrait être parfait dans le meilleur des mondes.

Mais une des élèves, Yavelde, jeune fille de 20 ans à la beauté désirable, se met à le poursuivre de ses avances. Elle est amoureuse folle de lui, et lui-même n’est pas insensible à la plastique de la jeune fille… Le «combat intérieur» de Dadou est terrible, il oscille en permanence sur la corde raide de la moralité ou du céder à la tentation. Pour ne pas succomber, il se met à boire, de plus en plus et sombre bientôt dans l’ivrognerie.

Malheureusement, un jour Yavelde commet l’irréparable, et dans sa lettre d’adieu laisse une terrible accusation… Dadou (qui pourtant n’a jamais couché avec elle…), l’aurait mise enceinte et ensuite obligée à prendre des «médicaments» pour avorter...

Pour Dadou c’est le début d’une longue, très longue descente aux enfers!..

Comme toujours, dans les livres de Sony LABOU-TANSI (1947 – 1995, de son vrai nom : Marcel SONY), - dont «L’Anté-peuple» (1976, publié en France pour la première fois en 1983), est le premier roman -, autour de l'histoire du «Citoyen Dadou», on retrouvera toute une galerie de personnages les plus divers, et qui «portent» littéralement le roman. Si Dadou qui est l’anti-héros par excellence accepte son sort, tous les autres se battent contre leur condition, Yealdara (la sœur de Yavelde) pour aider Dadou, le régisseur pour le faire évader de prison, Amando pour aider Yealdara à retrouver Dadou etc… Il y a d'ailleurs un aspect métaphysique, chez chacun d'entre eux, Dadou est le nihiliste qui ne croit plus en rien, Amando est celui qui veut croire au bonheur et à la paix, Yealdara est l’agnostique qui cherche Dieu et se demande où il est passé au milieu des hommes, etc…

L’écriture et le vocabulaire sont simples, l’histoire très linéaire, même si parfois rocambolesque, et se lit facilement. Le livre ne comptant guère plus de 200 pages, il se lit d’ailleurs en quelques heures.
Mais, ne nous méprenons pas, ce livre est avant tout une dénonciation féroce et caustique de la corruption généralisée, du népotisme, des exécutions arbitraires, de l'injustice, des rafles, des emprisonnement sans procès, de la toute-puissance de l’armée et des «généraux» auto-proclamés… Mais aussi, de la misère du peuple, de ses conditions de vie d’un autre temps, de leur manque de nourriture, les dénonciations, leur cupidité, leur concupiscence avec le pouvoir en place, etc… C’est cru, cruel, réel, direct, violent, réaliste, oppressant, révoltant, révolté, outrageux… Loin, très loin des tableaux idylliques de l’Afrique de l’après colonisation!...

L’espoir parcourt cependant tout le roman, notamment à travers les différents personnages qui, malgré tous leurs malheurs, continuent à croire en un avenir meilleur… A lire donc, ne fut-ce que pour découvrir l’Afrique sous un autre aspect que d’habitude…