Ce que les étoiles doivent à la nuit
de Anne-Gaëlle Huon

critiqué par Nathavh, le 26 mai 2021
( - 59 ans)


La note:  étoiles
Savoureux !
C'est à nouveau un petit bijou, un pur moment de bonheur que nous propose Anne-Gaëlle Huon.

C'est "Le" roman à lire pour oublier la morosité ambiante ou si vous êtes en panne de lecture, il se lit et se savoure.

Liz Clairemont était au sommet de sa gloire, pas loin de devenir une étoile au Michelin. Membre du jury de "Toque Chef", une femme dévouée corps et âme à sa passion : la cuisine. Mais en une soirée, tout s'est effondré. Elle est sous les feux des projecteurs accusée de tous les maux, c'est la catastrophe, un vrai cataclysme.

Elle décide de prendre du recul et arrive dans un petit village du pays Basque - Tiens, tiens mais cela me rappelle quelque chose ça - sur les traces de sa maman.

Il n'y a pas de hasard, juste des rendez-vous ... Elle y rencontre Rosa qui lui avait écrit et qui l'accueille et un certain Monsieur Etchegoyen qui lui propose de faire de sa petite gargote locale, un rendez-vous de la gastronomie du Pays Basque. Une seconde chance en quelque sorte ... Oui mais il y a Peyo, le cuistot grognon qui occupe les lieux ! Comme Liz c'est un personnage cabossé par la vie qui traîne avec lui ses fantômes.

S'apprivoiseront-ils ? Liz relèvera-t-elle le défi ?

Voilà pour la première voix, un second narrateur, Balthazar nous raconte lui aussi son histoire, elle débute en 1951. Anne-Gaëlle Huon va faire évoluer alternativement ces récits avec une grande fluidité et la poésie qui la caractérise. Elle me capte d'entrée de jeu, impossible de lâcher le livre, c'est captivant et savoureux.

Je vous préviens vous aller avoir envie de manger ou de cuisiner, on salive... On découvre le monde impitoyable de la cuisine, des chefs, un monde assez macho, fermé aux femmes, un monde sous la pression de la course aux étoiles.. mais au delà ce sont plusieurs combats à mener pour nos protagonistes, pas facile de vaincre leurs fantômes, d'affronter la vie.

Et puis à travers l'histoire de la petite Nine et de Gwen , c'est aussi une belle rencontre, une amitié, une histoire d'amour, amour de la vie, d'un combat d'une mère pour son enfant, ce que l'amour filial permet de faire pour protéger son enfant.

Une chose est certaine "La lumière ne jaillit que de l'ombre .. ce n'est que quand il fait nuit que les étoiles brillent."

C'est beau, enchanteur, porteur d'espoir, un livre qui fait du bien que je vous conseille sans modération.

Coup de coeur ♥♥♥♥♥


Les jolies phrases

Ma mère a toujours été douée pour mettre les gens à l'aise. Peut-être parce qu'elle ne jugeait personne. Pour elle, la vie ressemblait aux montagnes russes. Chacun pouvait voir son monde s'écrouler.

Mes yeux croisent ceux de Rosa. Qui m'observe. Elle a l'élégance de ceux qui savent écouter et se taire lorsqu'il n'est nul besoin de parler.

Je souris, puis éclate de rire. Je me vois sur cette terrasse déserte, entourée d'une Nana à strass, d'une vieille dame à canotier, d'un dandy en complet beige et d'un rideau à mouches. Je suis tout au fond d'un terrier qui mène à un lapin blanc, à un chapelier fou et à une reine de coeur à la tête d'un jeu de cartes. Liz au pays des Merveilles.

Fichu destin ! fait-elle en soupirant de nouveau. On a beau tenir le volant, parfois ça dérape. La vie s'écrit, certains se perdent en route et maudissent les étoiles. Peyo est de ceux-là.

Certains chagrins sont encombrants. On les domestique en silence. En parler, c'est prendre le risque de les réveiller. Je prie pour que les fantômes de Peyo le laissent en paix. Je crains pourtant qu'un jour ils ne l'engloutissent.

L'important, c'est que cela fasse du sens. Le sens, ma Liz, c'est ce chemin là qui mène au bonheur.

Il y a dans le rire des enfants quelque chose qui appelle la tendresse comme l'humilité. Un rappel de cet infiniment grand qui nous dépasse. Et qui nous fait croire que quoi qu'il arrive, tout ira bien.

On a tous une colère qui vient de loin Liz. Brûlante. Incontrôlable. Certains l'expriment, d'autres l'enterrent en prétendant dompter les ombres. Ce sont eux qui m'effraient le plus, Liz. Pas toi. J'ai été à ta place. J'ai touché du doigt ce marécage obscur, poisseux. Notre âme est comme un vaste territoire. Des plaines ensoleillées qui jouxtent des gouffres sombres. Il n'y a qu'en connaissant sa propre géographie qu'on peut prétendre au voyage d'une vie.

La lumière ne jaillit que de l'ombre, Liz. Ce n'est que quand il fait nuit que les étoiles brillent. Elles scintillent aussi lorsqu'il fait jour, mais il n'y a que l'obscurité pour nous permettre d'apprécier leur beauté. Certains drames sont la seule façon de se rencontrer soi-même.

Certains enfants sont parfois plus adultes que les adultes qu'ils deviendront.

Le Michelin, les nappes blanches, le service le doigt sur la couture du pantalon, tout ce que tu veux, mais pas ici. Pas chez moi. Ces gens tiennent la gastronomie en otage, Liz ! Le plaisir de cuisiner. Le goût des choses simples. Ils ont perdu de vue l'essentiel ! L'étoile, c'est la mort de la cuisine du coeur !

...je réalise que la vie nous fabrique sans cesse des souvenirs. Qu'il suffit de les accueillir. De leur faire une place ! Et de laisser s'envoler les plus douloureux.