Canoës
de Maylis de Kerangal

critiqué par Veneziano, le 22 mai 2021
(Paris - 46 ans)


La note:  étoiles
Le mystère des voix humaines
Une série de nouvelles présentent des scènes de la vie ordinaire, apparemment anecdotiques, mais qui présentent toutes en commun d'être mues par un mystère sous-jacent, tournant toujours autour d'une voix. Ce peut être la prononciation et l'intonation d'un conjoint, lors d'un emménagement à l'étranger, quand il s'exprime dans une langue étrangère, le souvenir d'une femme disparue sur une annonce de répondeur téléphonique, le ton las et les expressions automatiques de serveurs en fin de service, la puissance vocale d'une dentiste qui vous parle à travers son masque ou la flûte nasillarde d'un coach agaçant.
Les voix nous marquent, nous interrogent, au-delà de ce qu'elles expriment formellement, elles portent des symboles, initient des ressentis qui colorent le propos et instaurant un climat. C'est cet effet psychologique que décrit cette auteure, désormais bien connue, dans des écrits courts et assez originaux, qui amènent à réfléchir sur nos propres expériences. Je regrette juste que l'exercice ne soit pas davantage développé à chaque fois, qu'il ne soit pas conclu par un petit exercice de synthèse, afin de savoir ce qu'elle en retient.
Il s'agit donc d'une invitation faite à la lectrice et au lecteur de se forger sa réflexion pour en extraire ce qu'elle ou il en tire.
La voix juste 5 étoiles

À la lecture des premières nouvelles, on rencontre effectivement quelques canoës, un pendentif, l’évocation de souvenirs…
Mais comme l’a écrit Veneziano, le thème central de ce recueil est bien la voix, les voix.
La voix d’un être cher disparu, la juste voix pour déclamer un poème d’Edgar Poe devant des chasseuses de voix, la voix d’un conjoint transformée par son séjour à l’étranger, la voix d’une amie qui la veut plus masculine, le cri primal "tu fais comme à la naissance, tu pousses un cri puissant... fini la tristesse.", la voix bloquée par le bégaiement et ce que la voix révèle de chacun, les blessures qu’elle garde comme des traces que seules les oreilles attentives entendent.

Que ce soit pour le don d’organe (Réparer les vivants), la construction d’un pont, la vocation d’un cuisinier (Chemin de table), ou l’art du trompe-l’œil (Un monde à portée de main), Maylis de Kerangal, comme à son habitude, aborde chaque sujet avec une maîtrise parfaite, une approche technique, voire scientifique. Ce recueil ne déroge pas à la règle.
Mais si j’admire son talent et son écriture, je n’ai pas été conquise ni passionnée par ces nouvelles ; seule "Un oiseau léger" m’a vraiment touchée.

Marvic - Normandie - 65 ans - 18 août 2022