Faux-semblant
de Witi Ihimaera

critiqué par Débézed, le 7 mai 2021
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Faux sang blanc
En 1935, en Nouvelle-Zélande, Paraiti, une vieille maorie qui a hérité des connaissances et aptitudes de son père pour guérir, soigner, réparer, …, les corps malades ou abîmer, se prépare pour accomplir le périple annuel qui la conduit à la rencontre des malades qu’elle suit régulièrement, de ceux qui viennent enrichir cette troupe, des esquinter de la vie, de tous ceux qui n’ont pas les moyens de payer la médecine des blancs pour conserver ou retrouver leur santé. Son père lui a enseigné l’usage des plantes, leur conservation ou leur transformation pour en extraire les principes actifs. Il lui a aussi appris comment réparer les os et soulager les muscles et les organes par des massages traditionnels pratiqués par les chamanes qui ne connaissaient pas les médicaments. Dans sa postface, l’auteur raconte comment, lui-même, enfant, a été sauvé par une guérisseuse dont il a donné le nom à son héroïne, alors que tous les médecins ne lui prédisaient qu’un faible espoir de vie.

Paraiti est aussi surnommée la Balafrée, la Ravagée, depuis qu’elle a été marquée par un tison ardent alors qu’elle n’était qu’une très jeune enfant, par des soldats blancs qui poursuivaient les gens de son clan accusés d’hérésie révolutionnaire parce qu’ils suivaient la religion prônée par Te Kooti, leur prophète, qui avait créé une religion propre à eux, fondée sur un syncrétisme entre le protestantisme et des croyances animistes ancestrales. Défigurée, elle est restée avec son père qui lui a transmis son savoir afin qu’elle puisse assurer sa vie seule, sans compagnon de route.

Dans ce court roman, l’auteur décrit tous les soins qu’elle apporte à la population qui la vénère : de l’accouchement à la réduction de fractures en passant par les fausses-couches et les soins de la peau, des yeux, etc… Mais un jour une servante maorie la reconnait et la recommande à sa maîtresse encombrée d’un bien lourd fardeau que son mari risque de pas tolérer. Paraiti refuse de telles pratiques mais elle devine bien vite que la belle bourgeoise blanche ne lui a pas tout dit et que sa situation est bien plus complexe qu’elle ne la dévoile. Elle s’engage donc dans une aventure périlleuse pour la patiente, pour l’enfant à venir et pour elle et quelques autres encore. « J’ai misé gros, ce soir, … J’ai joué au jeu de la vie et de la mort. Prions que je puisse gagner ».

Ceux qui liront ce livre découvriront que cette aventure n’est pas qu’un problème moral, de convenance, de santé, de standing, c’est avant tout un conflit racial bien caché. A cette époque, et même aujourd’hui encore, la cohabitation entre les Maoris et les Blancs n’étaient pas facile et même souvent conflictuelle. Il n’était pas de bon ton de s’allier avec une indigène. Ce racisme qui se glisse jusque dans le jeu de mots qui constitue le tire du roman : Faux-semblant ou Faux sang blanc ? L’auteur est un fervent défenseur des us et coutumes locaux et un ardent protecteur du patrimoine naturel local que les Blancs ont souvent détruit pour leur seul profit.