La reine du silence
de Marie Nimier

critiqué par Clarabel, le 30 août 2004
( - 48 ans)


La note:  étoiles
Précieux
Contre toute attente, je suis tombée sous le charme de cette bouleversante confession de Marie Nimier. Dans "La Reine du silence" c'est tout un déballage d'amour, de pudeur et d'émotions feutrées qu'elle dévoile. Pour qui ? son père, Roger Nimier, l'écrivain connu pour "Le Hussard bleu" ou "Les enfants tristes", prématurément disparu dans un accident de voiture. Il avait 36 ans. Dans son livre, Marie Nimier ne fait pas l'apologie d'un père fabuleux, aimant, présent et fier de ses enfants. Non, c'est plus un constat déconfit, elle rétablit une vérité, redessine un portrait d'un homme qu'on connaissait intelligent, facétieux et charmeur en société. Dans son foyer, cet homme n'était qu'une ombre, qui s'enfermait dans sa chambre pour écrire, ou partait au bureau chez Gallimard. Le livre ne rend pas une image glorieuse du père. Loin de là. Pourtant on a du mal à en vouloir à l'écrivain disparu, à la jeune femme qui en parle désormais. Et pourquoi ce livre? Pas pour rétablir la vérité finalement, seulement pour se libérer elle-même. Elle ne dévoile pas des souvenirs de fond de tiroirs, juste des anecdotes de ci, de là. Elle n'avait que cinq ans à la mort de son père. Les souvenirs qu'elle glane aujourd'hui proviennent de la mémoire de ses proches, des gens qui ont traversé l'annonce du décès et le deuil en première ligne. Plus ou moins. Marie Nimier semble mettre en corrélation les événements de sa vie avec son passé lié à la disparition de son père : pourquoi aujourd'hui elle a tant de mal à obtenir son permis de conduire, qu'est-ce qui l'a amenée à l'écriture, quel est le poids de l'héritage, le degré de l'hérédité dans l'écriture... C'est tout un ensemble pointilleux, une sorte de journal de bord. Marie Nimier écrit les yeux fermés, dit-elle. Et son livre est un chuchotement, une préciosité que j'ai beaucoup apprécié. Ni impudique, ni caracoleur. Juste un souffle, un murmure qui donne envie de (re)plonger dans les oeuvres de Roger et Marie Nimier respectivement.
Secrets de famille 8 étoiles

« Nombreux sont les écrivains qui ont vu mourir leur père alors qu'ils étaient enfants. Cette perte prématurée serait-elle une petite machine à fabriquer, alternativement, de l'écriture et du silence ? De l'écriture, dans un premier temps, pour combler le vide, puis du silence pour se faire pardonner d'avoir volé la parole paternelle, de s'en être emparé? Tant que les écrits restent confidentiels, on s'arrange, mais dès que l'on atteint un certaine degré de notoriété, les choses se compliquent. L'attention que l'on te porte n'est-elle pas usurpée? Qui es-tu pour mériter de tels éloges? »

S'il n'est pas facile d'être la fille de..., il est encore moins facile d'être la fille d'un homme célèbre qui a ignoré ses propres enfants.
Marie Nimier, avec beaucoup de franchise,.nous fait partager ses doutes, ses douleurs, ses recherches.
On est quelquefois surpris de certaines impudeurs , de certaines douleurs persistantes malgré l'âge, malgré ses maternités et sa vie familiale, certains blocages récurrents (comme le permis de conduire ).

Marie recherche la vérité dans l'accident de son père, essaie de savoir qui était son père pendant sa courte vie familiale. Et comme dans de nombreuses familles, le passé reste secret. La rencontre avec son demi-frère la fera avancer mais elle arrivera trop tard pour rencontrer le fils de la femme qui a trouvé la mort avec son propre père.
« Le silence est un contrat tacite, une clause partagée. Il y a d'un côté celui qui se tait, et de l'autre celui qui ferme ses oreilles. Il ne suffit pas que le premier se décide à parler pour que le second l'entende. »

Et puis comment rester debout quand on découvre, même à plus de quarante ans, ces quelques mots au bas d'une lettre écrite par son propre père, personnage illustre et encensé: « Au fait, Nadine a eu une fille hier. J'ai été immédiatement la noyer dans la Seine pour ne plus en entendre parler. »

Si le tutoiement utilisé par l'auteur envers son lecteur m'a surpris, j'ai partagé la détresse puis l'apaisement avec beaucoup d'empathie pour cette jeune femme.

Marvic - Normandie - 65 ans - 15 mars 2011


Une fille inconsolable 7 étoiles

En lisant ce livre, je n'ai pu m'empêcher de faire le rapprochement avec "Le Zubial" d'Alexandre Jardin. Même thème de l'enfant qui a perdu un père célèbre et qui ne peut se consoler de cette immense perte, de ce vide qu'a laissé dans leur vie le disparu. Sauf que contrairement à Alexandre Jardin, Marie Nimier était trop jeune pour se rappeler du personnage qu'était Roger Nimier. Tout juste quelques bribes de souvenirs d'un homme taciturne que les enfants dérangent et qu'il s'emploie à éviter. C'est dommage car j'aurais bien aimé connaître mieux cet homme fascinant qu'a été Nimier. Marie fait donc appel à son frère aîné de dix ans pour avoir un peu d'information sur l'écrivain. Mais, finalement, on n'y apprend pas grand chose sur l'homme. Il est mort dans un accident d'automobile en compagnie d'une jeune écrivaine montante très belle qui n'était pas sa femme évidemment. Il pouvait faire preuve de gestes insensés comme de placer un revolver sur la tempe d'un bébé couché dans son berceau. De toute évidence, c'était un homme torturé et malheureux qui a attenté une fois à ses jours.

Les parents de Marie s'apprêtaient à divorcer lorsque l'accident est survenu. On se demande encore qui était au volant et si c'était un geste délibéré. Marie Nimier semble éprouver beaucoup d'amertume d'avoir perdu un être aussi exceptionnel qu'était son père. Elle se demande ce qu'aurait été sa vie s'il était resté vivant.

De toute évidence, elle est obsédé par la personnalité de cet homme que fut Nimier. Mais, on ne peut revenir en arrière et à servent donc les regrets interminables sinon à nous gâcher la vie.

Ça se lit bien, c'est très bien écrit mais le thème m'a légèrement agacée. J'aurais envie de dire à Marie de tourner la page mais...

Dirlandaise - Québec - 68 ans - 25 juillet 2006


Qu'est-ce qu'elle dit cette reine du silence? 9 étoiles

J'ai déjà essayé de lire Roger Nimier. Sa fille m'en a enlevé le goût (ou l'obligation, eh oui parfois on se dit qu'on devrait...), même si ce n'est surtout pas l'effet recherché par son très beau récit. J'ai compris pourquoi Nimier ne m'intéressait pas. Pas mal tordu, le bonhomme! Comme toutes les critiques qui précèdent le disent si bien, pourtant, on sait très peu de choses de Nimier père. C'est un livre sur la fille, sur l'auteure Marie Nimier. Et quelle auteure!

Vigno - - - ans - 14 avril 2006


la reine du silence 8 étoiles

Emouvant !

Ce père , grand écrivain aimé et apprécié de tous, qui était -il vraiment aux yeux de sa propre fille ?
Et qu'est-ce réellement qu'un père pour un enfant de cinq ans marqué par le manque d'affection ?
C'est un questionnement , c'est une quête , une introspection , un témoignage , né d'un vide ...
Une écriture simple teintée d'humour , une lecture facile et agréable du début à la fin pour un livre qui en dit somme toute long sur la relation difficile qui relie une fille à son père .
Afin de reconquérir un père absent , de le cerner , de se retrouver soi-même et de se reconstruire , Marie Nimier utilise brillamment l'écriture... à l'instar de son père .

Lecktése - - 51 ans - 5 avril 2006


Pas toujours facile d'être la fille de son père 8 étoiles

Pour avoir enfin affronté les réalités de la vie de son père bien des années après son tragique accident, l’auteure semble dans ce livre se libérer un tant soit peu du poids de certaines vérités enfouies jusque-là.
Suite aux commentaires de Cuné, je me rallie tout à fait à son rapprochement avec le livre de Marie Cardinale. Dans “la reine du silence”, Marie Nimier exorcise aussi ses propres souffrances sans pour autant sombrer dans le pathétique facile. Un style qui frôle même l’autodérision par moments.
Elle a certes hérité d’un nom en littérature au prix, toutefois, de bien des névroses.

Voni - Moselle - 64 ans - 20 novembre 2005


Un témoignage touchant 8 étoiles

Marie Nimier nous raconte, son histoire, la perte d’un père à l’âge de 5 ans. Elle essaye à travers ce livre de le cerner, de le comprendre et d’essayer de vivre sans cette moitié primordiale à l’épanouissement de tout enfant. Puisqu’à l’âge adulte, elle se trouve confrontée à certaines réalités qui sont le résultat de cette souffrance. Un témoignage bouleversant, une réalité, cet être cher ne pourra jamais apporter de réponses à ses questions. C’est à elle seule d’essayer d’y répondre.

Ichampas - Saint-Gille - 60 ans - 16 novembre 2005


Libération 8 étoiles

J’ai peur d’être redondant en donnant mon opinion sur ce livre alors que les trois commentaires présents capturent parfaitement toute l’essence et les nuances de ce témoignage touchant. Pour une raison qui m’échappe, je suis moins réceptif au propos autobiographique, néanmoins il s’agit dans le cas de Marie Nimier, d’un des plus réussi.

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 54 ans - 7 août 2005


Un père est un père, jamais parfait 9 étoiles

Prix Medicis 2004, La reine du silence est en effet un paradoxe. Marie Nimier ne parle que d'elle, et de sa vision de son père, mais pourtant c'est tout sauf un roman nombriliste.

Parce qu'elle sait manier les mots, trouver l'association d'idée qui fait mouche, nous faire assister à une quasi psychanalyse, on ne peut qu'être touchés par cette Marie qui se débat. J'ai retrouvé un peu de l'univers de : "les mots pour le dire", de Marie Cardinale, à jamais associé dans mon esprit au visage de Nicole Garcia. A l'époque, ces mots là m'avaient fortement impressionnée. Ici ce n'est pas ça, l'impression qui domine.

C'est comme si chaque geste, chaque phobie, chaque pensée de Marie Minier prenaient un sens sous nos yeux, elle ne nous donne que son interprétation mais ça sonne vrai.

Voilà, c'est ça, ce livre sonne vrai. Et fait réfléchir. Avec des mots simples, une vie simple, un amour qui ne trouve pas de destinataire...

C'est beau, et triste, et doux.

Cuné - - 56 ans - 30 novembre 2004


Dans le coeur d'une petite fille il y a... 9 étoiles

Bien des petites filles devenues grandes interrogent leurs souvenirs et partent à la recherche d'un père manquant ou manqué. Toutes n'en font pas un livre, bien sûr, et toutes ne sont pas, comme Marie Nimier, la fille d'un écrivain sacré par l'intelligentsia de son temps comme l'un des 10 meilleurs auteurs de sa génération.
Robert Nimier est mort dans un accident de voiture quand sa fille avait 5 ans. La petite fille a grandi avec beaucoup de choses enfouies en elle. Comme elle le dit elle-même, "le silence impose sa loi mortifère. Jusque là, on a survécu, et puis un jour on veut vivre". Et vivre, pour Marie, c'est cesser de nier l'existence de son père, aller à sa rencontre, affronter ce qu'il fut dans toute sa complexité.
Ce qu'elle fait ici d'une voix sincère et sensible, qui se casse parfois parce que certaines choses sont difficiles à dire et à regarder en face, et que la souffrance vous renvoie alors à votre voix de petite fille...Heureusement, il y a l'humour, le rire de soi-même, qui permet de souffler, de mettre un peu de distance avec les choses qui font mal...
Marie Nimier me fait penser à un aulne, dont j'ai lu je ne sais plus où que sous sa fragilité apparente se cache beaucoup de force.
Une fragilité qui touche, une force qui réconforte.

Isaluna - Bruxelles - 67 ans - 23 novembre 2004