Du miel sous les galettes
de Roukiata Ouedraogo

critiqué par Fanou03, le 30 avril 2021
(* - 48 ans)


La note:  étoiles
Une enfance burkinabée
Yasmina Sankaké est une jeune humoriste d’origine Burkinabée qui a été désigné marraine de la Journée Internationale de la Francophonie. En se préparant à l’évènement, elle se remémore son enfance, dans la ville de Fada-Ngourma, enfance plutôt heureuse jusqu’à ce que son père, Hamado, soit accusé à tort de détournement de fonds et jeté en prison.

Roukiata Ouedraogo a réussi là un fort joli récit, que j'ai beaucoup apprécié, en partie autobiographique si j’ai bien compris. On y ressent parfaitement les parfums de l’Afrique, sa nonchalance, et ses tragédies. L’emprisonnement injustifié du père de la narratrice met en évidence les dysfonctionnements d’un système judiciaire, contrôlé par le bon vouloir des responsables locaux échappant au pouvoir central de Ouagadoudou. Cet évènement va permettre de faire le portrait de Djalila, la mère de la narratrice, une « femme forte » qui va remuer ciel et terre pour faire libérer son mari et en attendant faire vivre sa famille privée d’un coup du salaire confortable du patriarche.

J'aime beaucoup le ton du livre, qui reste très proche du conte dramatique, équilibre délicat à trouver : malgré les malheurs de la famille Sankaké, on ne plonge pas dans le misérabilisme, grâce à des touches d’humour et d’optimisme, une sensibilité, presque une douceur qui imprègne le livre. C’est un ton qui m’a rappelé quelque peu celui de deux autres romans d’auteurs africains : La grève des bàttu de Aminata Sow Fall et Photo de groupe au bord du fleuve d’Emmanuel Dongala. Il faut noter quand même que cela n’empêche pas l’autrice ne fait pas l’impasse cependant sur des passages d’une grande dureté, comme celui qui évoque l’excision de Yasmina quand elle est petite fille, sans appel et qui fait froid dans le dos.
Hommage à une femme africaine 8 étoiles

L'autrice raconte avec beaucoup de douceur une enfance africaine, sans doute la sienne au Burkina Faso.

Elle évoque son histoire, celle de sa famille, celle son père accusé et emprisonné pour des faits qu'il n'a pas commis, mais aussi et surtout celle de sa mère, qui s'est battue pour que justice soit faite et que la famille puisse survivre.

Cette tragédie est, si j'ose dire, dédramatisée, car l'autrice y insère délicatesse et humour, suscités par moult détails et événements d'un pays socialement et économiquement en crise. Des détails illustrent le royaume de la débrouille où tout le monde cherche à s'en sortir, en ce compris par ces fameuses galettes qui permettent de sauver la famille d'une misère encore plus profonde.

Malgré tout, de manière anodine et en fin de récit, l'autrice évoque son excision et tout le drame qui entoure cette pratique qui a été voulue par sa mère.
Pourtant Roukiata Ouedraogo, artiste de scène confirmée, mène une véritable croisade contre cette tradition qui consiste à mutiler les très jeunes filles.

Nous retiendrons un récit émouvant qui parlera à ceux et celles qui comme moi, ont une tendresse particulière pour le continent noir.

Pacmann - Tamise - 59 ans - 19 juin 2023