L'Année de Grâce
de Kim Liggett

critiqué par Dervla3012, le 14 avril 2021
( - 18 ans)


La note:  étoiles
Les réécritures de réécritures ne sont jamais très glorieuses !
De quoi ça parle ?

À Garner County les femmes sont ensorcelées. Dans cette ville perdue au milieu d’une forêt hostile, il n’y a pas d’autres lois que celles dictées par ses représentants. Isolée dans un amas de verdure, c’est une société arriérée soumise au patriarcat.

Quand l’homme est livré à lui-même, il ne crée que rarement des choses profitables à tous : William Golding nous l’a bien montré. Garner County n’est pas une exception. Là-bas les femmes sont des moins que rien, des créatures inférieures et immorales. Les hommes s’y octroient le droit de les humilier, les agresser et les tuer. Mais leur arme phare reste encore et toujours la soumission par la peur.

À l’aube de leurs 16 ans, les filles de la ville sont déclarées maudites : elles dégageraient une magie puissante capable de séduire les hommes et de rendre les épouses folles de jalousie. Voilà pourquoi, lors de cette année fatidique, toutes les jeunes filles concernées sont envoyées en exil dans la forêt. Ce qui s’y passe, personne ne le sait et personne n’en parle : mais très peu d’adolescentes en reviennent et les survivantes en ressortent traumatisées.

Tierney James, elle, ne voit pas son avenir de cet œil-là : endurer les souffrances de la société, se marier, enfanter et se taire ; cette perspective n’est pas de son goût. Elle rêve de liberté et d’un monde plus juste. Mais ses seize bougies viennent d’être soufflées : Tierney survivra-t-elle à l’épreuve de l’année de grâce ?

Mon avis :

Tiens, c’est original ça ! Une société sexiste et machiste dans laquelle s’épanouit une jeune fille féministe, courageuse, généreuse, intelligente et…

Attendez ! Revenons quelque peu en arrière et analysons justement le personnage de Tierney. Durant tout son périple, l’adolescente pense être la seule à essayer de lutter contre les travers et injustices de la société. Nous avons maintes fois droit à de longues litanies sur sa vision du monde qui l’entoure : la stupidité de sa famille endoctrinée et sa propre clairvoyance. Bien évidemment, au fil des rebondissements, elle sera obligée de se rendre à l’évidence face à toutes les preuves qui lui démontreront l’aide et le soutien envoyés par tous et de tous côtés. Enlevons donc l’adjectif « intelligente » appliqué à Tierney et remplaçons-le plutôt par « bornée ». Maintenant, pour ce qui est de sa générosité : oh là ! Même insultée, torturée et traînée dans la boue, la jeune fille continue à trouver des qualités à son bourreau et à croire en un monde meilleur. Idéalisme quand tu nous tiens… En somme, cet adjectif n’est tout compte fait pas adapté non plus. Niaise ! C’était donc le mot que je cherchais. Pour conclure, il semblerait bien que Tierney soit l’héroïne de roman parfaite, non ?

Quant aux autres personnages, rien de nouveau à l’horizon : les hommes sont tous des monstres ignobles et les femmes des créatures fragiles qui se laissent dominer par la peur. Dans ce lot banal se démarquent deux ou trois créatures encore plus banales : l’amant sauvage et dévoué, le mari serviable et doux comme un agneau, la peste au bon fond et la jeune fille adorable mais harcelée par ses semblables.

L’intrigue n’a rien d’exceptionnelle. La jaquette annonçait un mélange de Sa Majesté des Mouches et de Hunger Games. Je ne ferai aucune remarque sur l’association de ces deux romans d’ampleur non comparable ; je me contenterai d’observer que le lecteur est informé avant même d’ouvrir le roman que celui-ci est une réécriture de succès passés. Pas très prometteur : il serait temps de se renouveler.

Pour ce qui est du côté « féministe », tellement mis en avant, je suis désolée de casser l’ambiance, mais les idées présentées ne sont en rien nouvelles. Tout est traité en surface. L’auteur cherche à nous faire rentrer ses préceptes à grands coups de sabots dans le crâne. Son écriture est tournée de façon à nous laisser penser que le texte révèlera des concepts révolutionnaires mais force est de constater qu’il n’y a rien qui casse trois pattes à un canard.

Je conclus donc sur une mise en garde. La littérature Young Adult manque cruellement de nouveauté : les réécritures de réécritures ne sont jamais très glorieuses. Et par pitié : les adolescents ne sont pas ignares ! Il serait temps d’insérer les morales bien-pensantes avec un peu plus de subtilité !