Autopsie pastorale
de Frasse Mikardsson

critiqué par Débézed, le 21 janvier 2021
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Quand les légistes mènent l'enquête
Dans la petite ville suédoise de Sigtuna, entre Stockholm et Uppsala, une pasteure à la retraite est découverte morte baignant dans une mare de sang. La police ne constatant aucune blessure apparente sur la dépouille, décide de ne pas ouvrir d’enquête et de transférer celle-ci au service d’anatomopathologie chargé d’élucider les décès inexpliqués par mort non violente. Mais, un examen un peu plus poussé laisse entrevoir l’hypothèse d’une mort relevant du domaine de compétence de la médecine légale. Après bien des discussions, le corps est transporté dans ce service où il est autopsié par un jeune assistant français sous la houlette de son mentor, un médecin légiste hongrois particulièrement sourcilleux et pointilleux. Celui-ci demande des analyses complémentaires, jugées inutiles par son disciple, pour détecter l’éventuelle présence d’arsenic et de métaux lourds dans le corps de la victime.

L’arsenic et le plomb sont bien présents à forte dose dans le corps de la victime, de nouvelles hypothèses sont donc possibles. Assistés par un vieux praticien spécialiste de la médecine environnementale, par une pomologue, médecin en retraite elle aussi, et par quelques autres spécialistes des sciences environnementales et des métaux lourds, les deux légistes échafaudent des hypothèses toutes plus complexes et aléatoires les unes que les autres. Aucune ne donnent entière satisfaction, toutes contredisent un ou des détails constatés lors de l’analyse. Le mystère semble s’épaissir au fur et à mesure que l’enquête progresse.

Dans ce roman, j’ai eu l’impression que l’auteur ne cherchait pas essentiellement à trouver une solution particulièrement astucieuse à son intrigue, j’ai plus eu le sentiment qu’il cherchait à expliquer comment la victime est décédée en construisant une enquête menée par deux légistes férues de chimie et plus particulièrement de la chimie de l’arsenic et des métaux lourds. La partie de l’enquête consacrée à l’action de ces éléments est très détaillée, elle s’appuie sur des analyses et des connaissances extrêmement pointues. Les légistes et ceux qui les assistent s’affrontent sur la base d’arguments faisant appel à des notions chimiques très précises et très élaborées.

Ce texte ne concerne pas seulement la chimie et les méfaits de l’arsenic et des métaux lourds dans l’environnement en Suède, l’auteur a aussi dressé un portrait de la société suédoise en mettant en évidence ce qui pourrait éventuellement contraster avec celle de la France : une plus grande ouverture aux étrangers dans l’accès aux responsabilités dans l’administration, une plus grande place réservée aux femmes dans la hiérarchie administrative, y compris la police, des différences notoires dans l’organisation des divers services concernés par cette enquête. Il dépeint aussi les Suédois par opposition aux Français en illustrant les différences à travers cette citation : « … si on voulait conserver son emploi dans un pays où l’évitement du conflit était poussé jusqu’à l’absurde et où la moindre remarque était prise comme une attaque personnelle insupportable ». Les Suédois ont un tempérament bien trempé, ils sont très respectueux des lois et règlements mais ils sont susceptibles et délicats dans leurs rapports sociaux. Peut-être que les Français sont moins respectueux des contraintes administratives et de leur prochains… ?

Un roman plus social et scientifique que policier, une intrigue plus touffue que logique, l’enquête ne progresse pas en éliminant les hypothèses unes après les autres mais plutôt en les additionnant et un auteur qui connait bien la Suède et la France, la Suède pour en être ressortissant, la France pour y vivre. Le meilleur compromis pour sous-entendre certaines comparaisons entre les deux pays.