Le tailleur de Relizane
de Olivia Elkaim

critiqué par Hamilcar, le 4 mars 2021
(PARIS - 68 ans)


La note:  étoiles
Exil
Lorsque Marcel est emmené manu militari par un commando, sac de jute sur la tête, il sait qu’il ne va certainement pas revenir. Il n’a même pas le temps de rassurer sa femme Viviane et des deux enfants Pierre et Jean. Ils ont frappé à sa porte, l’ont appelé par son prénom, ils étaient ses copains d’enfance.
Dans la petite ville de Rélizane en Algérie, tout le monde sait que quand ils partent de cette manière, ils ne reviennent jamais. On est en 1958, les évènements deviennent de plus en plus difficiles pour ceux qui les vivent. On peut être petit tailleur juif sans problème aucun, côtoyer depuis des années des arabes et des ressortissants de métropole, et se faire embarquer comme ça, sans raison apparente.
Mais les choses sont parfois bousculées et Marcel est rendu à la liberté. Qu’a t-il accepté pour retourner à la vie?
Il élude ses réponses quand les uns et les autres le questionnent, surtout lorsque lui, le juif, embauche un jeune arabe dans son atelier.
Il sait qu’il vont devoir partir, lui et sa famille.
Olivia Elkaïm offre ici un livre intimiste, empli d’amour pour les siens. Sa famille fait partie de ces rapatriés qui, pour éviter le drame d’être ciblés ont choisi celui de l’exil. Car c’était un drame absolu d’abandonner le pays qu’ils habitaient depuis des générations et une douleur véritable que de ne pas être accueillis avec empathie. Victimes d’évènements pour lesquels ils n’ont jamais été responsables, ces débarqués d’Algérie devenaient parias,
Mais l’autrice n’accuse pas. Elle regrette certainement les faits mais fait le choix du constat par un témoignage vibrant de sentiments qui n’élude pas l’abandon ressenti par les uns et les responsabilités de ceux qui ne voulaient pas voir. Elle juge à peine, là n’est pas son but. L’hommage rendu à Marcel et toute sa famille déborde, certes, de nostalgie mais reste d’une sincérité remarquable.
Loin d’être polémique sur des évènements qui refont surface, le texte est romanesque. Il n’accable pas et reste dans l’intimité d’une famille d’exilés, en toute pudeur et bienveillance. L’amour des siens est plus fort que tout et contredit même les destins bousculés.
Un très bon livre où l’auteure nous invite à la rencontre des sentiments et du respect .