Économie utile pour des temps difficiles
de Abhijit V. Banerjee, Esther Duflo

critiqué par Colen8, le 13 novembre 2020
( - 82 ans)


La note:  étoiles
Aucune loi de l’économie ne s’oppose au bien-être de tous
Le monde d’après si souvent annoncé n’est pas pour demain ! 1989, chute du Mur, 1991 éclatement de l’Union Soviétique, 2001 attentats terroristes contre le World Trade Center, 2003 guerre d’Irak, 2007-2008 crise financière mondiale, 2020 pandémie Covid-19, 2021 vaccin à venir. Et ensuite ? Rien, le monde table sur le retour de la croissance pour que tout redevienne comme avant. Sauf que la croissance mesurée par le PIB dépend de tellement de facteurs de productivité interdépendants que personne ne sait la gérer. Les modèles qui démontrent sur le papier l’effet positif de telle ou telle variable échouent généralement dans la vie réelle. Il leur manque la prise en compte des rigidités des marchés, des phénomènes d’inertie subjectifs profondément incrustés dans l’esprit des gens : origines, croyances individuelles et collectives, expression des préférences, immobilisme latent, besoin de dignité.
Il n’est guère de questions donnant lieu à débats souvent polémiques qui ne soient présentées en toute simplicité par ce couple d’économistes conjointement nobélisé (2019), spécialistes du développement. Une simplicité qui n’a d’égale que leur immense connaissance théorique des écoles de pensée, des histoires et pratiques de l’économie mondiale ainsi que des particularismes comparés, voire de l’idéologie des différents pays sur le plus ou moins d’Etat. Ils illustrent par des anecdotes les trajectoires suivies depuis 40 ans environ par les Etats-Unis, la Chine, l’Inde, les pays européens dont le Danemark et la France, l’Asie du Sud-Est, accessoirement l’Afrique et l’Amérique Latine. Leurs façons de démonter nombre de préjugés et d’idées reçues chez leurs « éminents » collègues tellement bien écoutés des politiques qu’ils s’empressent d’aller pérorer sur les plateaux TV ne manquent pas de pertinence.
Les exemples sont là, pris dans les modèles théoriques parfois exagérément déterministes, et dans les études de terrain. Ils montrent des effets pervers a posteriori aboutissant à l’inverses des résultats attendus : fermer ses frontières à l’immigration par crainte d’invasion, augmenter les droits de douane à l’importation pour se protéger de la mondialisation, baisser la fiscalité sur les plus hauts revenus et patrimoines en négligeant le creusement des inégalités sociales, accroître l’utilisation des robots et autres technologies avancées sans tenir suffisamment compte d’une répartition capital-travail équitable, de la concurrence dans les industries et les services concernés. Il reste à améliorer non pas une seule mais d’innombrables voies pour faire reculer la très grande pauvreté et la pauvreté tout court dont celles nécessaires et non suffisantes tournant autour du revenu de base universel.