Au-delà des jardins
de Monique Thomassettie

critiqué par Débézed, le 29 septembre 2020
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Partir
Monique Thomassettie, elle écrit comme j’aimerais écrire, je voudrais posséder cet art de la rédaction, de la narration, de la description qui s’exprime avec des phrases fluides, légères, qui coulent comme un frais ru dans une douce prairie même quand il s’agit de dépeindre un paysage tourmenté, de décrire des sentiments et des émotions violents ou d’évoquer des personnages perturbés. Son talent, elle l’exprime à merveille dans les deux contes qui composent cet opus, deux contes qu’elle avait déjà publiés mais qu’elle a remodelés pour les rendre plus accessibles à ses lecteurs. Elle écrit, avec le même bonheur, ses contes comme de la poésie en prose, quelquefois en vers et même d’autres fois sous la forme de répliques de théâtre. Peu importe la forme, l’idée reste toujours la même.

Ses deux contes s’articulent tous les deux autour du même sujet : la volonté de partir, partir n’importe où, comme elle écrit en s’inspirant de Cendrars : « Allons donc vers nulle part, allons donc vers partout ! ». Partir pour quitter quelque chose, fuir quelqu’un, chercher ce qui fut, retrouver celui qu’elle a connu autrefois, faire revivre un amour dans la fraîcheur de la jeunesse passée. Elle part, la narratrice, l’héroïne qui vit dans l’histoire ou dans le rêve ou entre les deux, l’une ou l’autre ou les deux, elle rencontre le preux chevalier, l’homme qui sait tout faire, l’homme qui a trouvé sa cause.

Cette fuite, c’est une quête, une rencontre, une cause, un combat à coup de vers, de pinceau et d’idées, de convictions racontée par la narratrice, par l’héroïne, inspirée aussi par l’auteure. Les personnages se confondent, la narratrice devient l’héroïne, et vice-versa, les personnages passent du rêve à la réalité dans ces textes oniriques et poétiques mais toujours reste cette même impression d’éphémérité, ce qui fut n’est plus mais pourrait-il être à nouveau ? Les personnages se confondent aussi dans les temps, façon de faire revivre le passé ? « Nous devons nous trouver à un point de rencontre de différents Temps. » Le temps n’est pas une dimension pour les émotions et les sentiments, ils peuvent s’en affranchir, le surpasser, le devancer, le dépasser, disparaître et renaître…

Derrière ces intrigues, il semble qu’il y ait une seule et même histoire, on pourrait penser que la narratrice a voulu écrire une aventure qui serait un peu la sienne, une histoire d’amour d’un autre temps, une histoire d’amour fanée, une histoire d’amour qu’elle voudrait faire renaître sous les traits d’un preux chevalier défenseur d’une noble cause, celle des peuples en mouvement qui eux aussi un jour retrouveront peut-être paix et sédentarité. Ces contes seraient la métaphore d’une vie que la narratrice voudrait recommencer à son début pour lui assurer un nouvel élan. D’un amour flamboyant qu’elle voudrait
rallumer… « La femme se sent en pèlerinage sur les lieux où elle communia naguère avec un homme merveilleux ».

Je voudrais aussi évoquer ce passage du texte où l’auteure évoque comment elle trouve à travers les arts figuratifs l’inspiration qui lui dicte son texte :

« Son texte se met à ressembler à une fresque où ne sont lisibles que des fragments.
Le résultat a un incontestable sens poétique.
Mais elle veut écrire une histoire.
Elle décide d’attendre, ne se forçant jamais.
Pour elle se concentrer n’est pas forcer.
Les choses viennent en leur temps, quand elles arrivent à la conscience.
Tant elle est persuadée que les œuvres sont avant d’être peintes ou écrites.
… ».

L’idée de l’œuvre précède la réalisation de l’œuvre, l’envie de fuir précède la fuite, l’envie d’aimer précède l’amour… l’envie d’écrire précède l’écriture…

Monéveil