Croisade sans croix
de Arthur Koestler

critiqué par Cédelor, le 10 septembre 2020
(Paris - 52 ans)


La note:  étoiles
L'individu maître de son destin
Avec « Croisade sans croix », Arthur Koestler, qui était un intellectuel engagé, semble avoir voulu faire un roman à thèse, dont le postulat final est celui-ci : l’homme dispose d’un libre-arbitre.

Pour démontrer cette idée, il a écrit ce roman dans lequel le personnage principal, nommé Peter Slavek, lui servira de référence exemplaire. La vie de Peter Slavek, telle qu’il se déroule dans son roman doit lui permettre d’illustrer ce dessein, de manière purement littéraire à mon sens, de la possibilité du libre-arbitre. Dans la vraie vie, le libre-arbitre existe-t-il vraiment ? Je ne trancherai pas là-dessus.

Dans le roman, Peter Slavek vit dans un monde proche du nôtre, plus exactement du sien propre durant la Seconde Guerre mondiale (époque à laquelle a d’ailleurs été écrit ce roman), mais il n’est pas exactement le même non plus. Peter s’est échappé d’un pays où il a subi la torture pour raisons politiques, et se réfugie en Neutralia, un pays neutre, qui ne prend pas parti dans la guerre en cours en Europe et qui en accueille les réfugiés. Neutralia semble être un pays d’Afrique du Nord, mais ce n’est jamais précisé. D’ailleurs, quels sont les pays en guerre, cela n’est jamais précisé non plus. Seul l’Angleterre et l’Amérique sont clairement désignés.

Ici, en Neutralia, il fait ou refait connaissance avec divers personnages, dont certains vont l’aider à trouver sa propre voie, à la fois dans son passé, son présent et son avenir. Ce seront principalement Sonia, une amie de sa mère, elle aussi réfugiée et qui porte le titre de docteur (en psychologie de profondeurs mais cela n’est pas précisé, on le devine facilement) et qui l’aidera à guérir d’une maladie psychosomatique causé par les traumatismes subis, Odette, une patiente de cette dernière dont il tombe amoureux et à qui il conservera son amour jusqu’à la fin, Bernard un intellectuel d’un des pays en guerre et qui ressemble fort à l’Allemagne Nazie et qui théorise et justifie la politique guerrière et d’extermination de masse pratiquées par le régime qu’il sert, et un aviateur anglais cruellement blessé à la guerre, quand son avion a été abattu, et qui lui fera comprendre ses motifs, ou plutôt ses non-motifs à vouloir s’engager au combat. Il y a d’autres personnages aussi, mais ces quatre-là sont les rencontres pivots pour Peter Slavek, au contact de qui il va s’éprouver douloureusement, mais qui, comme des abrasifs, va faire ressortir, visible et bien vivante, l’intime conviction de son destin personnel et donc de son libre-arbitre.

C’est donc un plaidoyer pour la capacité au libre choix pour un individu à décider de sa propre vie, en dépit des cadres contraignants qui peuvent s’exercer sur lui, qu’elles soient psychologiques, socio-politiques, ou découlant du temps, que nous fait ici l’auteur, en montrant les différentes facettes de son talent impressionnant d’écrivain intellectuel: philosophe du Temps, théoricien politique, psychanalyste.

Un livre simple en apparence, qui est plutôt facile à lire mais qu’il n’est pas si aisé comprendre où veut en venir l’auteur ! Après « Le zéro et l’infini », c’est le deuxième livre d’Arthur Koestler que je lis et je trouve que c’est un auteur intéressant, qui mérite d’être lu. J’en lirai d’autres, de ses œuvres.