Le dernier chasseur de sorcières
de James Morrow

critiqué par Sahkti, le 4 août 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Diableries!
Auteur que je découvre, un style littéraire qui ne rencontre pas habituellement mes préférences et une belle surprise en définitive. Ce roman, c’est un mélange de science-fiction, de philosophie, de pamphlet, d’ésotérisme, de thriller, tout à la fois et c’est assez étonnant.

Jennet Stearn a été initiée aux mystères de la Terre par la tante Isobel dont le livre de chevet n’est autre que les "Principes mathématiques de philosophie naturelle" de Isaac Newton. L’histoire se passe en 1688 et les sorcières ne sont pas vues d’un très bon œil, notamment par le père de Jennet, Inquisiteur et chasseur de sorcières actif, qui se persuade que les activités occultes de la tante Isobel ne peuvent être autre chose que le reflet d’un pacte signé avec Satan, alors que Isobel cherche à prouver par la science que le démon, ça n’existe pas. Malgré un vibrant appel lancé à Isaac Newton (qui tournera les théories de la tante en ridicule), un procès a lieu et Jennet est envoyée par son père dans les colonies. Dès lors, Jennet n’aura d’autre obsession que d’affirmer la prépondérance de la lumière sur l’obscurantisme et démontrer la non-existence du diable grâce aux théories scientifiques. La vie dans les colonies américaines (où son père est envoyé pour éradiquer la présence des sorcières) n’est pas de tout repos pour Jennet qui doit affronter superstitions et délires en tous genres, rencontre Benjamin Franklin et assiste à des procès ahurissants.

En elle-même, l’histoire n’est pas vraiment originale, il en fallait plus que cela pour me convaincre. Le procédé employé est beaucoup plus intéressant. Pas seulement parce que James Morrow fait intervenir des personnages réels mais surtout parce que l’histoire est racontée en partie par les livres eux-mêmes dont s’inspirent Isobel et Jennet (les Principes mathématiques de Newton) ou les Inquisiteurs (le Malleus Maleficarum). Cela donne quelques passages savoureux comme celui de la visite de Salem, la ville des sorcières transformée en parc d’attraction du mystère, avec des baraques à citrouilles confites et des trains fantômes sur les lieux mêmes de l’exécution de dizaines d’innocents accusés de sorcellerie.
Ce roman est bourré d’érudition et ouvre la voie vers une réflexion sur la place de la science, le rôle de la religion, l’intégrisme et l’intolérance. Une chasse à la bêtise en quelque sorte.