La traversée des Alpes: Essai d'histoire marchée
de Antoine de Baecque

critiqué par Radetsky, le 6 juillet 2020
( - 80 ans)


La note:  étoiles
Grincheux sur le GR 5
Je laisse le lecteur prendre connaissance avec l'auteur grâce à cette notice : https://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine_de_Baecque. Elle vaut ce qu'elle vaut....

La passion pour la marche en montagne n'est plus une nouveauté depuis que J.J.Rousseau en a esquissé les principes.
Reste à savoir s'il y a forcément adéquation :
- entre le marcheur et la montagne,
- entre le marcheur et les autres marcheurs
Car il est évident qu'en Europe tout au moins on ne marche jamais tout à fait seul (à la belle saison). On croise les uns, on marche de concert avec les autres, on mange, dort, se brosse les dents en compagnie des usagers de refuges gardés, etc.
Posée cette courte analyse du terrain, venons-en au récit proprement dit.

Il;s'agit tout autant d'une histoire géographique, sociologique, universitaire, politique, que d'une chronique à proprement parler.
L'histoire de la naissance des sentiers, depuis les origines, jusqu'à leur artificialisation en éléments du "paysage", en lignes de forces quasi incontournables d'un projet d'"aménagement du territoire", au bénéfice d'un truc aussi stérile en soi que le ski, le surf, l'alpinisme, la voile ou toute autre activité parmi celles inventées au XIXe siècle par les bourgeois qui s'emmerdaient ferme malgré leur fric, faute de devoir user leur santé à l'usine, aux champs ou à la mine.
On aura donc droit, dans ce bouquin, à une vaste fresque en plusieurs tableaux, au fur et à mesure que l'auteur avale les dénivelés d'une étape à l'autre du GR 5 et qui occupe grosso modo la moitié du volume, C'est un travail de documentaliste enthousiaste, de géographe compétent, de critique scrupuleux.

Le récit de la traversée elle-même, du Léman à la Méditerranée, à côté des tableaux vite mais bien brossés des paysages successifs, des efforts consentis et des difficultés rencontrées, à propos desquels je ne trouve rien à redire, laisse apparaître une autre facette du personnage...
Il aime marcher, mais seul surtout, faire halte mais de préférence en ayant sa chambre bien à lui, avec une douche, et trouver "L'Equipe" dans un tabac-presse est presque un impératif catégorique.... quant à subir les impedimenta de la vie en collectivité : pouah ! Dans un refuge gardé les gens ronflent, parlent fort, sentent la sueur, sont comme-ci, pas comme-ça, et on en passe sur le ton dégoûté de notre marcheur à propos de la basse humanité qui l'entoure. et il en rajoute à la moindre occasion, regrettant l'hôtel ou la chambre d'hôte (quoique, là aussi on croise des gens).
Ce type n'a jamais porté une paire de rangers + un fusil, ou alors dans l'armée monégasque.

La connaissance de l'autre, des autres, constitue la richesse essentielle du voyage pédestre (ou autre) ; ici, NON.

Inutile de dire qu'avec un pareil compagnon de lecture, on en a vite marre et ne reste plus qu'une envie : remettre le bouquin sur un rayon, prendre son sac à dos et s'en aller rigoler avec des copains dans une cabane de berger, autour d'une fondue et d'un Arbois des familles