Les longs manteaux
de Georges-Jean Arnaud

critiqué par Fanou03, le 25 juin 2020
(* - 48 ans)


La note:  étoiles
Affrontement dans les Andes
Juan Mendez, un opposant de gauche, vient d’être libéré par le nouveau gouvernement bolivien après de longues années de prison dans le pénitencier de Potosi. Il doit rejoindre sa femme Marina à Villazon, une ville à la frontière avec l’Argentine, dans le fourgon blindé d’un train de voyageur. Car Juan Mendez a de dangereux ennemis: une partie de l’armée, la plus nationaliste et fascisante, ceux qu’on appelle avec crainte « les Longs Manteaux », menée par le brutal Général Vinchina, a en effet juré sa mort, et n’hésitera pas à l’assassiner au vu et au su de tout le monde.

Georges-Jean Arnaud a construit là, avec énormément d’efficacité, un récit basé sur deux huis-clos qui se répondent dans une lourde attente : un huis-clos "immobile", à Villazon, dans le poste de police où se retrouvent reclus Marina Mendez, ainsi que l’officier des renseignements généraux Juin Garcia, quelques policiers et un journaliste ; un huis-clos "mobile", celui du fourgon blindé de l’express LaPaz – Rio transportant Juan Mendez avec une dizaine de soldats comme escorte et qui doit justement rejoindre Villazon. Cela en fait un récit assez lent, un récit d’ambiance où les ombres et les manœuvres des « Longs Manteaux », d’abord évanescentes, se précisent de plus ou plus jusqu’au paroxysme final. La Bolivie sert ici de théâtre exotique et tragique à cet affrontement, au cours du rude hiver andin, dans cette petite ville de Villazon isolée au milieu des montagnes.

D’un côté quelques militaires et policiers au loyalisme incertain ; de l’autre les partisans du Général Vinchina, puissamment armés, déterminés, qui ont leurs entrées dans toutes les strates de la société y compris les plus pauvres (du sang indien coule dans les veines de Vinchina et il est assez populaire même auprès de cette population). L’arrière-plan politique, bien que discret, est essentiel à la compréhension du rapport de force et des enjeux : l’alternance de gouvernement avec les risques de guerre civile que cela comporte dans un pays dont l’armée représente une force de premier plan. Georges-Jean Arnaud met tout ça fort bien en musique, avec un suspense lancinant, dans un ample mouvement, à la fois réaliste et dramatique. Les caractères sont solidement campés (mis à part peut-être celui du journaliste moins réussi), tandis que l’écriture, quoique incisive comme le demandent les récits d’action, est très agréable à lire et ne souffre guère de faiblesse de style, bien au contraire, grâce à un rythme très maîtrisé. Les longs manteaux est donc un excellent bouquin de divertissement, largement au-dessus de la moyenne du genre.