Le printemps du loup
de Andrea Molesini

critiqué par Pucksimberg, le 16 juin 2020
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Des individus en cavale vus par un petit garçon
Ce roman est le récit de la cavale d’un petit groupe d’individus au printemps 1945 qui fuient les Allemands. Pietro, un garçon de dix ans, est le narrateur principal de ce roman. Il est accompagné de son copain Dario, un garçon peu bavard, passionné par les chiffres, aux oreilles décollées comme Pietro nous le rappelle à plusieurs reprises. Il y a évidemment des adultes qui accompagnent ces enfants : deux femmes juives Maurizia et Ada, Sœur Elvira … Ce groupe est mené avec énergie par Karl, un déserteur allemand … Pietro n’est pas le seul narrateur, le lecteur a aussi accès au journal intime d’Elvira qui permet de contrebalancer avec le regard de l’enfant … Leur route est loin d’être de tout repos !

L’un des atouts de ce roman est l’alternance des points de vue. Andrea Molesini, que je ne connaissais pas du tout, a réussi à trouver une langue enfantine qui n’est pas ridicule ou pénible à lire. Il a réussi à trouver un ton juste et l’humour n’est pas absent des récits de Pietro. Il a une façon de décrire le physique des personnages qui est unique et amusante. Il possède un franc-parler et témoigne d’une spontanéité qui rappelle beaucoup l’énergie italienne. Certaines remarques font vraiment rire le lecteur. Et puis son regard d’enfant rappelle le regard distancié. Certains constats sont désarmants tant ils sont criants de vérité. On dit souvent que cette dernière sort de la bouche des enfants. Il faut croire que l’auteur italien pense la même chose. La langue de Pietro est bien plus travaillée que ce que l’on pourrait croire. Il a cette capacité à transfigurer le réel, ce qui apporte de la poésie à son récit. Ce qu’ils vivent est grave car ils sont traqués par les nazis. Le regard qu’il porte sur le monde permet de la transformer quasiment comme ce loup qu’il ne cesse de voir dans tout le roman. Il a une façon de définir la manière de parler des personnages qui est très visuelle. Certaines métaphores sont particulièrement bien trouvées.

Derrière une apparente légèreté, il y a le contexte historique qui transparaît. De nombreuses scènes se déroulent la nuit. On y rencontre des êtres marqués par les événements, des fascistes, des résistants. On ressent la méfiance vis-à-vis de l’inconnu, la peur et le sentiment tragique des personnages qui ne contrôlent pas leur destinée. On perçoit aussi les souvenirs enfouis et les traumatismes de guerre de chacun. Durant le roman on s’interroge sur le personnage de Karl et sur celui d’une figure féminine. Souvent l’horreur se cache derrière des silences et le manichéisme ne caractérise pas vraiment les personnages. Le roman ne manque pas de finesse derrière le discours de l’enfant. C’est un roman bien ficelé que ce « Printemps du loup » dont la brièveté des chapitres permet d’imposer un rythme.