L'arrière-saison
de Éric Ollivier

critiqué par Marvic, le 19 mai 2020
(Normandie - 65 ans)


La note:  étoiles
Les dames Rustica
Térésa, l’aînée, la plus convenable des trois filles, a épousé dignement un officier de marine, mort dans un accident d’avion, élevé ses enfants et continué grâce à sa vie convenable de fréquenter ses parents.
Ce qui n’est pas le cas de ses deux sœurs.
Mélanie, la puînée, avait été bannie pour avoir épousé (civilement uniquement !) un homme divorcé avec lequel elle sillonnera l’Europe et dont elle deviendra la veuve éternelle.
Yvonne, la cadette, a choisi de répudier sa famille, et de travailler dans les postes les plus éloignés du globe.
Cinquante ans plus tard, Térésa, 68 ans, vit confortablement à Paris, enfants et petits-enfants élevés, quand elle voit débarquer Yvonne qui ne sait pas trop que faire de sa retraite.
Alors qu’elles n’avaient pas gardé de contact, les voilà de retour dans la vieille maison de leurs parents, qu’elles n’avaient jamais revue, entretenue par Jérôme, le fermier voisin.
Et ravies de s’y installer. Très différentes de caractères, divergentes sur de nombreux points, seule leur sororité les rassemble.
Un des points pourtant qui fait (presque) l’unanimité, est l’interdiction d’évoquer ou de regretter le passé, de raconter ses souvenirs. Bref, de "radoter".
Dans cette vaste demeure, chacune va bénéficier d’appartements indépendants au premier étage, le rez-de chaussée abritant la seule grande pièce commune.
Au fil des années, elles vont trouver une place à Pen Du, pratiquant le "noir", ou plutôt le troc avec le fermier, ou son épouse, le maréchal-ferrant… et remettre au goût du jour la fabrication artisanale et familiale du cidre, de l’eau-de vie, du pain, et de la charcuterie.
Si le voisinage les surnommait les Parisiennes, puis les Dilettantes puisque de leur travail ne dépendaient pas leurs revenus qu’elles avaient confortables toutes les trois, devant leurs compétences et leur bon sens, elles devinrent de respectées Dames Rustica.

Ce roman, écrit en 1985, a échappé à la Ressourcerie lors du déménagement de ma maman. Je pense que je l’ai mis de côté, interpellée par la première phrase de la quatrième de couverture "Trois sœurs... décident de finir leur vie en Bretagne ... "
Déroutée par les premières pages, j’ai pensé abandonner ; mais confinement oblige, j’ai continué à lire cette langue insolite, cette écriture foisonnante, utilisées par l’auteur. C’est un régal de découvrir un vocabulaire exigeant où se mêlent mots rares (viduité...), anciens, inventés, déformés (volontairement ou involontairement). Bien sûr "computer", ou même "walkman" ont vieilli mais on ne peut que sourire quand l’une porte son "désassourdissant".
Si certains passages semblent très actuels -comme l’écologie, l’autosuffisance alimentaire-, d’autres faits sont depuis interdits quant d’autres sont nettement choquants.
J’ai découvert un auteur alias Yves du Parc, dans ce roman suranné mais finalement amusant, un véritable trésor lexical.