Ces montagnes à jamais
de Joe Wilkins

critiqué par Saule, le 7 juin 2020
(Bruxelles - 58 ans)


La note:  étoiles
Un grand roman américain
Dans notre imaginaire, le Montana c'est les grandioses paysages sauvages et les cow-boys, comme dans le film "Brokeback Mountain" ou dans le livre (génial) de Larry McMurtry, "Loneseone Dove", qui raconte la migration vers le nord de cow-boys vers les paysages montagneux du Montana. Dans "Ces montagnes à jamais" de Joe Wilkins, il est donc aussi question des montagnes du Montana, on peut dire que c'est le personnage principal. Mais ici l'auteur montre un portrait plus actuel de cette région des USA : des fermiers étranglés par la crise économique, les sécheresses, les emprunts hypothécaires. Des "rednecks" déclassés qui vivent dans des mobil-homes en travaillant dur sur des lopins de terres qui leur échappent, une délinquance qui se shoote à la méthamphétamine, des bars un peu sordides où les cow-boys se saoulent le vendredi soir.

Le livre est raconté du point de vue d'un jeune homme de 24 ans, Wendell, qui se voit confier la garde d'un jeune cousin mutique et traumatisé. Entre eux deux se développe une belle relation. Wendell est cependant rattrapé par son passé, son père ayant assassiné un garde forestier qui voulait l'empêcher de tuer un loup dans la réserve naturelle de Yellowstone.

Ce roman superbe illustre bien la polarisation en Amérique entre les gens plus éduqués, qui vont à l'université, comprennent les enjeux sociétaux et écologiques et les "cul-terreux" qui vivent à la dure, comme leur parents et grand-parents et qui estiment que la terre est à eux et que le gouvernement n'a pas à se mêler d'écologie et de protection de la nature. Tout ça dans les montagnes du Montana, région qui fait rêver. Un excellent livre sur l'Amérique d'aujourd'hui dans le Montana.
Montana rural ! 9 étoiles

Joe Wilkins est un poète et romancier américain .Il est l’auteur de plusieurs recueils de poésie et d’un récit sur son enfance.
"Ces Montagnes à jamais" est son premier roman.

Wendell est "rancher" dans une vaste propriété du Montana, près des Bull Montains.
Suite à l'incarcération de sa soeur, il se voit confier la garde de son jeune neveu Rowdy, mutique et probablement autiste.
Wendell qui vit dans un mobil-home sur les terres cédées par son défunt père à la vie sulfureuse.
Gillian élève seule sa fille Maddy. Son mari - garde forestier - a été abattu alors qu'il s'opposait à la chasse aux loups, interdite dans la région .
Ces 2 histoires vont rapidement se recouper pour dessiner l'origine du "Mal" qui ronge cette communauté.

Un polar rural noir sous l'ère Obama. Un roman politique qui dessine la fracture qui oppose le gouvernement (la police, les gardes-chasse, .. ) aux "ruraux" républicains, anarchistes et miliciens qui ne supportent pas les lois.
Une Nature omniprésente, dure, impitoyable à l'image de la population .

J'avoue avoir passé un excellent moment de lecture et dévoré ce court roman .
Les liens tissés entre Rowdy et son oncle Wendell viennent illuminer le roman.
La toute dernière page poignante .
Une belle découverte grâce au prix CL 2023 .
Une pépite signée Gallmeister !

Frunny - PARIS - 58 ans - 10 juin 2023


Avis mitigé... 7 étoiles

Inutile de rappeler l’histoire, très bien décrite dans les critiques précédentes.

Mon avis sur ce roman, lu dans le cadre du prix CL2023, est pour le moins mitigé.

Je me suis ennuyée pendant le premier tiers, le temps de comprendre enfin les relations entre les différents personnages.
Ensuite, la lecture est devenue addictive.
Comme l’a écrit Saule, ce roman illustre « la polarisation en Amérique entre les gens plus éduqués […] et les "cul-terreux" qui vivent à la dure »
Mais, en laissant passer un peu de temps après la lecture, j’ai trouvé qu’il y a vraiment beaucoup trop de coïncidences dans ce roman, nécessaires certes pour la progression de l’histoire, mais quand même…

« Et le gamin allait finit comme son beau-père – élever quelques têtes de bétail, braconner, boire, infliger un traitement horrible à telle ou telle fille, faire un môme ou trois, voter républicain alors qu’il vivait grâce aux allocations rurales »

« La terre où […] les rivières débordantes d'avril n'étaient plus que des lits de graviers en août. Où l'herbe était dure et touffue devant la charrue, et d'où la poussière se soulèverait de la terre argileuse acide et alcaline dans le sillon laissé derrière. Une terre de pins ravagés par les insectes, d'étés toujours plus longs et d'hivers plus courts et plus secs. »


Ce roman m’a rappelé les livres de Dan O’Brien.
Dan O’Brien élève des bisons dans Dakota du sud, un état voisin du Montana, le bison étant adapté à ces terres – ce qui n’est pas le cas des vaches qui y ont entraîné un désastre écologique…
https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/14713
https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/48331

Ludmilla - Chaville - 68 ans - 15 janvier 2023


Improbables rencontres 6 étoiles

Gillian Houlton est assistante du principal et conseillère d’orientation des écoles de Colter dans le Montana. Elle est chargée de convaincre et de ramener les élèves décrocheurs en classe ; espérant qu’ils aient une autre vie que celle de leurs parents , vivant de petits boulots, de braconnages dans des mobiles-homes.

Wendell vit seul dans un mobile-homme depuis la mort de sa mère et la disparition de son père. Il a un travail régulier chez Glen Hougen, un riche agriculteur.
Quand une assistante sociale lui amène le fils de sa cousine, il accepte, perplexe. Rowdy est le fils de Lacy incarcérée pour consommation de drogue ; malgré son mutisme et ses troubles autistiques, une relation forte s’établit entre Wendell et l’enfant qui lui accorde sa confiance.
À l’école, il rencontrera Gillian qui va s’occuper de lui. Et s’y attacher.

C’est la rencontre, la confrontation de deux univers.
Gillian, dont le mari Kevin garde-forestier chargé de faire respecter les lois de protection du territoire et de la sauvegarde des espèces comme le loup dans les Bull Mountains, a été tué par un chasseur de loups.

Des lois inadmissibles pour les habitants, ceux qui vivent sur ces terres depuis des générations.
"La résistance des Bull Mountains devait aussi éduquer les gens sur les véritables sujets, la façon injuste dont le gouvernement fédéral contrôlait leur vie et leurs terres. En ce sens, les loups représentaient plus que des loups. Ils remontaient la lignée des rebelles et des combattants de la liberté…"

Et si l’écoute et le dialogue semblait possible entre certaines personnes (entre Maddy la fille de Gillian, Wendell, ou Glen), d’autres extrémistes sont prêts à tout pour préserver leurs traditions. Même à organiser une chasse au loup.
"Un autre truc que représente le loup, c’est la loi. Et si j’ai de la haine envers quelque chose, c’est bien envers ces lois qui réduisent un homme à l’esclavage sur ses propres terres."

Un roman dense construit autour de trois personnages attachants, mais où il m’est arrivé parfois de me perdre dans les histoires familiales. Dommage
Le roman permet de comprendre le dilemme des populations, leur colère aussi devant ces décisions arbitraires et j'ai eu l’impression parfois de retrouver des souvenirs de lecture des Raisins de la colère
Mais j’avoue avoir été plus touchée par le sort du petit garçon que par le sort des Bull Mountains,

Marvic - Normandie - 65 ans - 30 décembre 2022


Du rêve américain à la réalité. 7 étoiles

Ce livre raconte la vie des descendants des pionniers qui, trois ou quatre générations avant, avaient conquis les contrées sauvages du Montana et dont les aventures sont si bien racontées dans le livre absolument génial de Larry McMurtry intitulé Lonesome Dove. Les malheureux descendants de ces pionniers vivent une vie épouvantable. Ils se sont endettés, les banques se sont saisies de leurs terres, et il ne subsiste plus que quelques grands éleveurs qui arrivent péniblement à nouer les deux bouts. Mais eux-mêmes se buttent aux prétentions de l’État Fédéral qui, petit à petit s’empare de leurs zones d’élevages et de chasses pour en faire des réserves naturelles.

Au passage, j’ai apprécié qu’il soit dit dans ce livre que les Écolos qui prétendent gérer ces réserves naturelles n’y connaissaient rien. Parce que c’est la vérité. Ces Écolos veulent interdire toute intervention humaine pour que les forêts retournent à l’état sauvage. Et ils viendront voir dans trois cents ans ce que ça a donné. Ils ne verront alors que des terrains vagues, couverts de fougères, d’orties ou de ronces – selon la nature du sol. Dans ces conditions il est évident qu’aucun semis naturel ne pourra régénérer la forêt.
Mais nous nous égarons.

J’ai trouvé que ce livre met bien en lumière les difficultés de la génération actuelle des petits propriétaires terriens du Montana. C’est le côté le plus intéressant du livre. L’auteur met en évidence un art de vivre qui sent la fin d’un monde. Il raconte très bien comment, dans ce monde paysan, toutes les familles se connaissent et comment les querelles se perpétuent de générations en générations. Au Montana, ces querelles se règlent le plus souvent par des duels à coups de fusils comme dans les films cow-boy du bon vieux temps ; et après on oubliera ses soucis en se saoulant au whisky et à la vodka dans les bars les plus sordides à toute heure du jour et de la nuit mais de préférence le vendredi.

Ceci dit, l’histoire a un côté très édifiant avec quelques beaux personnages ; mais je l’ai trouvée par moment un peu confuse parce qu’il n’est pas toujours facile de reconnaître pourquoi les bons étaient bons et pourquoi les méchants étaient méchants. C’est probablement dû au fait que ce genre de romans américains évoque un monde qui nous est très étranger mais qu’il est toujours intéressant de découvrir.

Saint Jean-Baptiste - Ottignies - 88 ans - 19 mars 2022