Robespierre Prophète de la Révolution
de Antoine de Lévis-Mirepoix

critiqué par Saint Jean-Baptiste, le 4 mai 2020
(Ottignies - 88 ans)


La note:  étoiles
Monarchie et Révolution
Ce livre aurait pu s’intituler : Monarchie et Révolution, ou : Louis XVI et Robespierre. Il se divise en deux parties. La première s’intitule : la chute du trône, et la seconde : la chute de Robespierre.
Duc de Lévis Mirepoix a consacré sa vie d’historien au passé de la monarchie française. Ici, dans la première partie du livre, il retrace brièvement le rôle des rois dans l’histoire de France. Après il se devait de réhabiliter Louis XVI et il le fait très bien. Peut-être même un peu trop bien.

D’après lui, Louis XVI n’était certes pas ce bonhomme poltron et indécis, décrit par beaucoup d’historiens. Mais l’auteur exagère peut-être quand il présente l’indécision du roi comme un modèle de réflexion et sa faiblesse comme un modèle d’humilité.
Selon lui, le roi voulait gouverner la France en bon père de famille, il avait un excellent gouvernement, il avait reconstitué la puissance maritime de la France et restauré la discipline de l’armée en même temps qu’il renforçait son armement. C’est son armée qui a remporté les victoires attribuées à la Révolution.
Même l’affaire de Varennes – l’auteur se défend de parler de fuite – est justifiée, selon lui. Il prend pour exemple la fuite de Charles V à Compiègne quand il était prisonnier de la Commune de Paris en 1360, la fuite d’Henri III à Chartres pendant la guerre de religion en 1588 et la fuite de Louis XIV à Saint-Germain pendant la Fronde en 1649. Ces fuites ont sauvé la monarchie. Selon lui, le roi ne se sauvait pas à l’étranger mais se rendait à Montmédy sous la protection de l’armée de Bouillé. Si cette tentative avait réussi, l’État était rétabli, la monarchie sauvée et la Révolution n’aurait pas eu lieu. Après, si le roi a laissé grandir la poussée révolutionnaire ce n’est pas qu’il ne l’a pas vue venir, comme on le prétend souvent mais, selon lui, parce qu’il redoutait la guerre civile.
Cette première partie du livre est claire, bien documentée et, comme tout le reste du livre, elle est très intéressante.

Dans la seconde partie du livre, Duc de Lévis Mirepoix a tenté de faire une approche objective de Robespierre. Il reprend un par un les grands événements de la Révolution, en montrant à chaque fois le rôle primordial que Robespierre y a joué. Il montre comment sa volonté d’aller au bout de sa logique, sans jamais la moindre concession, l’a entraîné à commettre les pires fautes : la constitution civile du clergé, l’instauration du tribunal Révolutionnaire, le rétablissement de la peine de mort et puis, la cérémonie de l’Être suprême l’ont conduit à sa perte.  

Mais il sait lui rendre justice, notamment quand il fait la part des choses entre les provinces révoltées, les émigrés et les Jacobins défenseurs du sol français. Dans ce chapitre il fait l’éloge du comité de Salut Public, dirigé par Robespierre, Carnot et Saint-Just, à qui la France doit d’avoir maintenu l’intégrité de son territoire en repoussant les attaques du dehors.

Par ailleurs, il reconnaît à Robespierre de grandes qualités comme son intégrité, la pureté de ses intentions, son extraordinaire habileté à tirer profit des circonstances et ses exceptionnelles qualités d’orateur. Mais l’auteur explique aussi à quel point il a été victime de son utopisme. Il avait la mentalité d’un inquisiteur du temps de Philippe II. Il voulait instaurer la « cité parfaite » avec son « despotisme de la liberté ». Il voulait une société d’hommes vertueux ; ceux qui voyaient dans la liberté une occasion de libertinage étaient des traîtres à la République et méritaient la guillotine. Il voulait purifier la patrie par l’échafaud.

L’auteur ne se lance pas dans une analyse psychologique de Robespierre. En bon historien, il nous explique son rôle et ses initiatives dans la Révolution. Mais il nous détaille quand même sa personnalité à travers des chapitres particuliers : Robespierre et les femmes, Robespierre et les comités, Robespierre et Paris, Robespierre et l’Être suprême.
A propos de la cérémonie de l’Être suprême, il explique qu’en entendant les cris de « à bas le tyran » poussés par le peuple, il avait compris qu’il était perdu. Mais, c’est avec une joie féroce qu’il offrait sa vie sur l’autel de la République. Il était sincère quand il disait : « Je meurs pour l’amour de ma Patrie et pour ma soif de Justice et de Liberté ».

Le livre se termine par différents jugements d’historiens sur l’Incorruptible. C’est très édifiant. On s’aperçoit que si certains l’ont aimé passionnément, d’autres l’ont haï avec une même passion ; et on en conclut que l’Incorruptible, cette grande figure de l’histoire de France, gardera à jamais son mystère et ne laissera jamais personne indifférent.