Histoire du siège de Lisbonne
de José Saramago

critiqué par SpaceCadet, le 3 mai 2020
(Ici ou Là - - ans)


La note:  étoiles
Le pouvoir des mots
Ne connaissant ni l’histoire du Portugal ni celle du siège dont il est question ici (c’est-à-dire l’un des trois sièges qu’ait connu la ville de Lisbonne), c’est avec une légère appréhension que j’ai abordé ce roman. Mais finalement malgré ce que laisse présager le titre et en dépit d’un premier chapitre dont la lecture m’a semblé un peu exigeante, il s’est avéré non seulement plus accessible qu’il n’y paraît, mais au surplus, il fait partie à mon avis des petites pépites dont recèle l’œuvre de José Saramago.

‘Histoire du siège de Lisbonne’ raconte comment, sur un coup de tête et dans un geste subversif qui provoquera une suite d’événements, un correcteur d’épreuves à l’emploi d’une maison d’édition va, par le biais de ce chapitre de l’histoire du Portugal, se glisser dans la peau, voire se transformer en écrivain.

A l’instar d’autres personnages chez cet auteur, Raimundo Silva est un homme ordinaire, un inconnu dans la foule comme il en existe des millions, qui mène une existence réglée, routinière et plutôt monotone. Son travail ayant toujours été irréprochable, la maison d’édition pour le compte de laquelle il oeuvre depuis nombre d’années lui fait entièrement confiance. Ainsi, qu’il défie l’ordre, qu’il ose créer le désordre et en assumer les conséquences, sort totalement de l’ordinaire. Mais une fois franchie cette étape que l’on peut qualifier de libératoire, Raimundo se découvre lui-même et assume enfin celui qu’il est vraiment.

C’est donc, en premier lieu, une histoire de découverte de soi, -celle du ver qui une fois sorti de son cocon s’épanouit enfin pour devenir le papillon qu’il a toujours été-, que raconte ce roman. Puis en second lieu, l’objet qui est à l’origine de cette transformation, à savoir l’histoire du siège de Lisbonne, devient prétexte pour l’auteur, ainsi que pour l’écrivain en herbe, à une exploration du thème de l’histoire et plus particulièrement de la façon dont on peut voir les faits, la manière dont on veut bien les consigner et la façon de les raconter.

Entre ces deux plans, entre ces deux niveaux du récit, José Saramago navigue avec aisance, possédant clairement une grande familiarité avec ces eaux-là. Maniant les mots et les idées avec une admirable dextérité, il nous sert un récit vif, inventif, drôle, intelligent, le tout, enluminé par une prose qu’on ne peut qu’admirer.

Un roman d’une qualité remarquable ... honteusement mutilé dans cette édition (Collection Points aux Editions du Seuil) par la présence de nombreuses erreurs typographiques.