Candido ou un Rêve fait en Sicile
de Leonardo Sciascia

critiqué par Pucksimberg, le 19 avril 2020
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Candide dans l'Italie d'après-guerre ...
« Candido » est la réécriture du conte « Candide » de Voltaire par Leonardo Sciascia qui l’a adapté à l’après-guerre en Italie. L’écrivain s’est inspiré du style de l’écrivain du XVIIIème siècle, l’a structuré de la même manière tout en conservant aussi la portée critique en dénonçant cette fois-ci les problèmes de son temps.

Candido, jeune homme naïf, est peu aimé de ses parents. Ils le confient à l’archiprêtre Don Antonio afin qu’il soit son précepteur. Les parents divorcent et ne s’occupent plus de l’enfant. Le grand-père maternel, ancien fasciste, aura un regard sur son éducation. Candido, avec sa spontanéité et sa candeur, sera confronté aux hommes d’église, aux dirigeants démocrates-chrétiens, aux communistes, aux hommes de loi, aux propriétaires … On le prend pour un imbécile, c’est évidemment lui qui met le doigt sur certains dysfonctionnements.

Leonardo Sciascia s’est inspiré du célèbre conte philosophique pour en faire une œuvre différente dans son contenu, mais totalement fidèle dans l’esprit. L’écrivain sicilien est surtout connu pour ses récits sur la mafia, ici il aborde des questions profondes sur l’Italie en adoptant un style différent de celui qu’on lui connaît. Les tournures de phrase paraissent anciennes. Il y a une réelle volonté de coller à la langue du XVIIIème siècle. Il a organisé son œuvre en plusieurs chapitres dont les titres annoncent le contenu. Le lecteur qui a en tête l’apologue de Voltaire notera sans doute combien d’éléments du texte originel ont servi à l’élaboration de ce texte-ci. Voir justement comment l’écrivain a modifié le texte de voltaire rend l’œuvre encore plus intéressante. L’on y retrouve la figure du jeune homme naïf, le précepteur, les hautes sphères de la société, le thème de la guerre, les voyages, la portée critique, une figure féminine rattachée à la sensualité, la bêtise, le bonheur … L’esclavage est abordé dans le texte de Voltaire. Ici de façon détournée, il y a des paysans qui cultivent des terres auxquels Candide souhaite donner un territoire. Celui qui cultive pourrait être récompensé contrairement au « nègre de Surinam » de Voltaire.

Les multiples critiques sont intéressantes et doivent être vraiment significatives pour des lecteurs italiens qui y ont pu reconnaître des forces dirigeantes de leur pays. Ce regard naïf est vraiment une arme efficace pour dénoncer. C’est un moyen de critiquer universel et intemporel.
Leonardo Sciascia confirme qu’il est un grand écrivain.