L'Equarissage pour tous, suivi de "Série blême et tête de méduse"
de Boris Vian

critiqué par Alceste, le 10 avril 2020
(Liège - 62 ans)


La note:  étoiles
Un Débarquement explosif
L’action se situe à Arromanches, le 6 juin 44, jour du débarquement. Malgré ces circonstances considérables et les explosions qui ébranlent les alentours, l’équarrisseur du village ne songe qu’à une chose : marier sa fille Marie avec un soldat allemand. Il est vrai qu’ils couchent ensemble depuis quatre ans…
Alors que sa maison voit défiler soldats américains, allemands, japonais, français des F.F.I. qui mélangent gaîment leurs chants et leurs uniformes, il cherche à réunir sa famille et lance un appel par l’intermédiaire de Radio Londres à son fils, parachutiste dans l’Armée américaine et sa fille, parachutiste dans l’Armée Rouge.
A peine arrivés, ils torturent leur sœur à la plume d’oie pour savoir si elle est enceinte. Un pasteur, arrivé avec les débris du débarquement, est réquisitionné pour sceller l’union des fiancés, mais il répond avec empressement aux avances de la troisième et dernière sœur, prénommée elle aussi Marie. La noce tourne à bagarre générale et la plupart des personnages finissent dans la fosse d’équarrissage, celle qui répand une puanteur abominable dans la maison. Celle-ci, ayant échappé aux bombardements mais se trouvant hors d’alignement, sera dynamitée.

L’exposé donne une faible idée de ce bouillonnement de situations improbables, extravagantes, du plus haut burlesque. L’humour, féroce et volontiers sacrilège, inaugure une lignée d’humoristes qui va peut-être jusqu’à notre Splendid ou autres Robins des Bois.
La pièce, qui requiert trente acteurs tout de même, démarre sur des chapeaux de roue, mais à un tel rythme, il est difficile de soutenir l’intérêt d’un bout à l’autre. Néanmoins, la fin explosive ne déçoit pas.
Avoir raconté le fait de guerre le plus héroïque de XXème siècle à la manière d’un vaudeville où tout est pris à contre-pied, où les idoles les plus sacrées sont tournées en dérision, est sans doute la meilleure charge contre la guerre. Si la pièce, présentée quelques années à peine après la Libération, a fait scandale, elle garde une bonne partie de sa causticité, tant il est vrai que la guerre fait toujours naître des absurdités solennelles qu’il est bon de démonter.